Décrochage scolaire : le plan anti décrochage est-il à la mesure de l’enjeu ?

La ministre de l’Education nationale a dévoilé, le 21 Novembre 2014, un plan de lutte interministériel contre le décrochage scolaire. Ces mesures suffiront elles pour limiter cette réalité sournoise de la fragmentation sociale ?

 


Décrochage scolaire : le plan anti décrochage est-il à la mesure de l’enjeu ?
Un décrocheur scolaire est un« jeune qui quitte le système de formation initiale, sans avoir le niveau de qualification minimum requis par la loi », c’est-à-dire un baccalauréat général ou un diplôme à finalité professionnelleParmi les 700 000 jeunes qui sortent du système éducatif en France chaque année, et malgré l’engagement des enseignants et de toute la communauté éducative, on peut estimer que 140 000 jeunes sortent sans diplôme du secondaire. Selon l’OCDE, entre 2000 et 2009, la proportion d’élèves de15 ans en échec scolaire est passée de 15 à 20 %, et l’écart de niveau entre le groupe des meilleurs et celui des plus faibles s’est accruLe décrochage scolaire est une des manifestations les plus inacceptables des limites de notre système éducatif, qui n’assure plus la réussite de tous nos élèves. Le décrochage scolaire est un gâchis humain, social et économique, c’est aussi une menace pour notre cohésion sociale et la survie de notre « vivre ensemble »

« Remettre l’École à l’endroit » et « commencer par le début », concentrer les efforts sur les premiers âges de la vie scolaire afin de mettre nos jeunes sur la voie de la réussite scolaire, tels étaient les objectifs de Vincent Peillon et de la loi sur « la refondation de l’école ».

Dans la continuité, Najat Vallaud-Belkacem a annoncé un nouveau plan anti-décrochage pour  » traiter à la fois : la prévention du décrochage, le raccrochage et la remédiation ». Il est assorti d’un budget de 50 millions d’euros/an, avec quelques mesures concrètes telles que :

– La généralisation des Conseils de vie collégienne (CVC) sur le modèle des conseils de vie lycéenne.
– La généralisation de la mallette des parents. Elle facilite l’intégration des élèves en 6ème et l’acceptation des décisions d’orientation en 3ème.
– Une formation des enseignants  » au repérage des signes annonciateurs du décrochage et des outils pédagogiques pour y faire face ». Des référents décrochage seront présents dans chaque établissement.
– Une multiplication des classes passerelles, qui existent déjà au lycée
– Une limitation du redoublement aux seules situations qui le justifient (décret du 19 Nov 2014) et un renforcement de la dimension éducative aux punitions et sanctions disciplinaires : elles devront systématiquement être expliquées et les parents pleinement associés au processus décisionnel

Dommage que la Ministre soit restée sceptique sur l’allongement de la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans. Celle ci aurait pu ouvrir des droits plus clairs à ces jeunes. Une étude sera lancée…

Par contre le plan propose deux dispositifs. Un « droit au retour » dans le monde scolaire. Les jeunes de 16 à 25 ans qui ne possèdent aucun diplôme pourront bénéficier d’une durée complémentaire de formation qualifiante d’une année scolaire, qui pourra être prolongée en fonction du bilan de la formation. » Un parcours aménagé de « stagiaire de la formation initiale » pour les 15-18 ans risquant de sortir sans diplôme ou sans qualification d’un établissement du second degré. Le jeune conservera le statut scolaire et bénéficiera d’un parcours de formation sur-mesure. Il sera suivi par un tuteur en vue d’intégrer une solution de formation adaptée.

Ce nouveau plan anti-décrochage marque un réel pas en avant. Notamment dans la volonté de vouloir changer la pédagogie et les relations professeurs, élèves, parents. Il s’agirait de faire en sorte que l’établissement scolaire soit un lieu où on vient apprendre, mais aussi un lieu où on vient vivre. Cela impliquera de même de travailler sur le règlement intérieur, l’organisation des règles de vie, les lieux de rencontres informels, l’organisation des récréations, l’accueil des familles, etc. Certes le niveau des élèves ne s’améliorera pas mécaniquement grâce à l’amélioration du climat scolaire dans l’établissement, mais on posera les conditions d’une véritable possibilité d’évolution du niveau scolaire pour les élèves en difficultés et d’un travail sur les interactions avec les autres élèves, les enseignants et les autres personnels scolaires

Cependant si ce plan articule des bonnes idées, peu de mesures sont vraiment concrètes et budgétées. Si le coût du décrochage se chiffre à 30 milliards par an, le plan de financement n’est pas à la hauteur des enjeux.

Et qu’en est-il des collectivités locales ? Ce sont elles pourtant qui doivent coordonner les politiques de lutte contre le décrochage en lien avec l’Éducation Nationale sur les territoires. Le plan gouvernemental parle très peu de ces relations partenariales. Les PEdT, Projets Éducatifs Territoriaux, mis en place avec la réforme des rythmes scolaires, doivent permettre d’articuler les temps éducatifs et les acteurs, au bénéfice de l’éducation partagée à l’échelle locale. Micro lycées, classes relais, écoles de la 2eme chance, plateformes de lutte contre le décrochage, on attend des collectivités territoriales qu’elles fassent les efforts nécessaires, sans les associer vraiment.

L’importance du lien famille-école est lui aussi capital. Le décrochage scolaire dépend de plusieurs facteurs de risques personnels, scolaires, environnementaux et familiaux. Si tous ont leur importance, les plus déterminants restent les problèmes rencontrés à l’école. Cependant les études montrent que les variables familiales constituent soit un facteur de risque, soit un facteur de protection. Les facteurs de risque entrent en jeu très tôt, souvent dès la petite enfance. S’il n’y a pas de solution miracle, on peut observer la distance qui existe entre les parents/familles et l’école. Le Ministère semble avoir pris la mesure de la nécessité de cette collaboration : » Une démarche globale visant à impliquer les parents dans le parcours scolaire de leur enfant et dans la vie de l’établissement sera mise en place », est-il annoncé.

Les mouvements d’éducation populaire ont aussi un rôle à jouer dans une complémentarité autour des parcours de reconstruction de ces jeunes en échec scolaire. Ils ont l’expérience et la pratique de repenser la pluralité possible des formes d’apprentissage. Ces bénévoles, militants, salariés ont souvent appris aussi en dehors de l’école. Se perfectionner tout au long de la vie, autour d’une pratique d’éducation permanente, ne constitue-t-il pas le vrai point fort de l’éducation populaire. ?