Rythmes scolaires : Grenoble va taxer les familles en Sept 2016

Lors du Conseil municipal du 23 Mai 2016 la majorité a présenté son projet d’organisation des rythmes scolaires et sa tarification à partir du 1er septembre 2016.

Nous reproduisons ici l’intervention de Paul Bron au titre de GO Citoyenneté et du groupe municipal « Rassemblement de gauche et de progrès »

« Je constate avec beaucoup d’intérêt que vous êtes enfin revenu à la raison. L’organisation périscolaire que vous présentez propose un montage quasiment identique à celui qui existe aujourd’hui et nous pouvons que nous en satisfaire. Sauf bien sur la future taxation des heures périscolaires. J’y reviendrai en 2eme partie de mon intervention.

  • Je voudrai d’abord réaffirmer une chose. Dans notre pays l’échec scolaire est important. 20% des élèves sont en échec en fin d’école primaire. A Grenoble cela correspond à 3000 enfants. Si l’échec scolaire relève de l’Éducation nationale, une ville a aussi son rôle à jouer dans la réussite éducative des enfants, entre autre pendant les temps péri scolaire. C’est la tout l’intérêt de la reforme Peillon. A défaut d’avoir vraiment changé l’école, la réforme a eu l’intérêt d’avoir remobiliser les villes sur leur rôle éducatif aux côtes de l’éducation nationale.

Cela veut dire Monsieur le Maire que le rôle éducatif d’une ville ne réside pas seulement dans la construction de bâtiments scolaires. Mais aussi dans un soutien à la lutte contre les inégalités éducatives. Je ne sais pas si vous avez bien pris la mesure de cette nouvelle mission.

  • Prenons maintenant votre nouvelle organisation des temps périscolaires du soir…que de contorsions et de revirements depuis un an, en voici quelques exemples :
  1. Les horaires d’école sont inchangés. Toutes les écoles de Grenoble termineront la classe à 16h. Tant mieux. Les parents, les enfants, les associations, les enseignants ont besoin d’un cadre structurant qui soit le même sur toute la commune. Mais ce n’était pas votre projet : vous aviez prévu une usine à gaz où les maternelles ne sortaient aux mêmes heures que les élémentaires, ou les quartiers de Grenoble avaient aussi des horaires différents. Pourtant lors des réunions de parents que vous avez organisées tous vous disaient que ce n’était pas bon… bref il a fallu passer par une votation pour que vous reveniez à la raison.
  1. Les activités du soir. Vous aviez prévu de distinguer le périscolaire, de l’accueil du soir. En fait vous vouliez mettre à part les 3/4h par jour rajouté par la réforme, des autres temps d’accueil, ce que d’autres villes appellent les TAP (temps d’activités périscolaires). . Et le scénario A qui a reçu le vote majoritaire des familles repose sur cette distinction. J’ai toujours trouvé que c’était aberrant de faire cette distinction et qu’il fallait prendre le périscolaire dans son ensemble, et mettre de la qualité dans tous les temps périscolaires autour de l’école, le matin, à midi et le soir.. Par contre aujourd’hui vous nous présentez un montage qui n’est pas le même que celui pour lequel les familles ont votés, regardez bien le tableau A, alors  je me demande à quoi a servi la votation  si ce n’est pas pour respecter cette décision.
  1. Vous déclarez vouloir diminuer le temps que l’enfant passe en collectivité. Mais vous faites le contraire, puisque vous rallongez d’une demi-heure chaque journée. Cette demi-heure d’ailleurs servira de prétexte pour faire payer l’accueil.
  1. Vous voulez un accueil plus juste en « évitant la concomitance entre activités payantes et activités gratuites », mais votre présentation passe sous silence cet aspect. En réalité vous maintenez cette concomitance, puisque vous conservez, à juste titre, les ateliers éducatifs payants proposés par les associations socio culturelles, et cela pendant le temps périscolaire gratuit.
  1. Enfin vous conservez le cadre, la structure actuelle des l’organisation périscolaire mise en place en 2013, tant mieux. Je veux parler de la formation des animateurs, de la présence d’animateurs référents, fonctionnarisés, véritables chef d’équipe dans les écoles aux cotés des directeurs, et vous maintenez le principe « d’autant d’Atsem que de classes » d’ailleurs pouvez vous encore le confirmer ? Et enfin vous ne touchez pas le taux d’encadrement des animateurs par activités.

Je vous rappelle que ce taux d’encadrement à été diminué de moitié en 2013. Imaginez un instant que l’éducation nationale décide qu’il n’y ait plus que 15 enfants par classe. Cela parait irréaliste, et bien c’est ce qui s’est passé dans le périscolaire à Grenoble il y a 3 ans.

Et j’en profite pour glisser une remarque à l’adjoint aux finances. Bien sur, ces moyens supplémentaires auxquels il faut ajouter la mesure touchant les Atsem,  ont coûté cher : 3 millions d’euros à charge de la ville, mais c’est un investissement pour la réussite éducative des enfants. Vous qui critiquez beaucoup les dépenses précédentes, vous aviez la l’occasion de revenir sur ces dépenses en revenant  aux anciens taux d’encadrement (30 enfants par animateur). Vous ne l’avez pas fait. Merci alors de revoir votre propre argumentation dans les prochains débats budgétaires.

Venons-en à la tarification des temps périscolaires, qui constituent, à mon avis une énorme erreur.

A un moment ou nous évoquons, à juste titre, la question de la gratuité des transports publics dans l’agglomération, voila que vous revenez sur celle des activités éducatives. C’est à ne plus rien comprendre, sauf à dire que vous gérez à votre façon l’austérité. Ici au détriment des familles grenobloises.

A ce sujet, votre conférence de presse la semaine dernière, est un petit bijou. Je cite Mr l’adjoint aux écoles : « cette tarification sociale va permettre de réduire les inégalités du système actuel. Vous passez d’un système où le périscolaire est gratuit à un système ou il est payant et vous prétendez réduire les inégalités. » Incroyable non !

Et je pense que vous faites une énorme erreur au moins pour 3 raisons.

  1. La première concerne les processus de l’échec scolaire.

On sait que le système scolaire français se caractérise par une très forte importance du niveau social de la famille dans la réussite scolaire. Son influence a été mesurée à 28% dans la réussite de l’enfant alors qu’en Europe elle est seulement de 15%. Soit quasiment la moitié. L’échec scolaire n’est donc pas forcément une fatalité en Europe quand on est en situation de précarité sociale. Dans ce processus, en France,  le système des devoirs faits à la maison a une grande importance. Nous savons tous que même s’ils sont interdits depuis longtemps, les devoirs restent la norme. Il faut donc tout faire, pour permettre une aide aux devoirs pendant les temps périscolaires. Surtout que les études sont souvent assurées par des enseignants. La gratuité est un des moyens de ce soutien.

En faisant payer les études,  vous pénalisez les familles modestes et vous contribuez Mr Malbet à perpétuer les inégalités scolaires.

  1. La seconde raison est financière

Depuis le début de la mise en œuvre de la réforme, toutes les villes touchent un fonds de soutien sous forme de dotation de l’État, qui lui n’a pas baissé, et qui s’élève à 50€ pour tous les élèves de Grenoble indistinctement. Cette aide a été prolongée pour 3 ans.

D’autre part, une aide spécifique supplémentaire de la CAF de 54 € peut être versée en complément, sous certaines conditions. Nous avions fait en sorte que ces conditions soient remplies comme par exemple la diminution du taux d’encadrement. A ce jour vous n’avez toujours pas encore émargé auprès de la CAF, alors que tout était prêt en Avril 2014. Vous avez perdu l’équivalent de 420 000€ par an depuis 2 ans.

Vous touchez donc des aides de l’État qui doivent vous permettre d’amortir le coût du périscolaire, sans avoir à taxer les familles.

  1. La troisième raison est plus sociale et politique.

Il ne faut pas abuser des tarifications sociales, ou solidaires comme osent le dire certains. Ne croyez vous pas Monsieur le Maire, que les familles modestes en ont marre d’avoir toujours à prouver qu’elles sont pauvres pour bénéficier de réductions. Il faut toujours prouver qu’on est pauvre. Trop souvent répété, cela peut atteindre la dignité d’une famille.

Certains services doivent entre gratuits dans la commune. Chacun de nous peut apprécier lesquelles. A mon avis, les études doivent être gratuites et non payantes. Comme elles le sont d’ailleurs aujourd’hui. Nous avions la un système égalitaire pour tous. Vous le détruisez et il est bien possible, malheureusement, que dans quelques années tout sera payant, puisque le vers est dans le fruit.

Bien sur, votre tarification s’étale de 60€ à 350€ par an, et les familles à très bas quotient familial seront peu ponctionnées. Non madame la 1ere adjointe, cette somme n’est pas symbolique pour tout le monde comme vous le dites. Avec un QF moyen, de nombreux grenoblois sont quand même en difficulté, ceux la seront encore une fois pénalisés et plus encore s’ils ont plusieurs enfants.

Vous n’augmentez pas les impôts locaux, mais comme l’ont fait remarquer plusieurs parents d’élèves, cette tarification correspond quand même, à une hausse de 5 point des impôts locaux.

Il est regrettable que vous fassiez porter sur les familles, vos difficultés de gestion et que ce choix se fasse au détriment de la réussite éducative des enfants.

(Avant de conclure je voudrai vous poser une autre question d’actualité concernant les écoles de Grenoble. Nous avons appris lors de l’AG de l’UQVO la semaine dernière, que vous êtes entrain de supprimer les agents municipaux qui assurent la sécurité à la sortie des écoles. Pouvez-vous nous confirmer cette annonce.)

Mr le Maire,  nous sommes favorables à l’organisation des rythmes scolaires que vous proposez maintenant, mais comme la délibération porte essentiellement sur la tarification et la taxation des familles, nous voterons contre.