Grenoble, plan d’austérité : un problème de méthode et de fond

Le point de vue de Paul Bron, suite à l’annulation du Conseil municipal du 11 Juillet 2016

« Incroyable Conseil Municipal de Grenoble du Lundi 11 Juillet 2016…qui a été de fait annulé après l’entrée « en force » des syndicats, de collectifs de parents et des associations d’habitants, pour marquer leur mécontentement au plan d’austérité de la Mairie.

Cette triste soirée questionne et remet en cause la méthode et le fond de la politique menée par la majorité municipale de Grenoble qui  tente, elle aussi, le passage en force, d’un plan d’austérité plus que contestable.

1. En terme de méthode :

La mairie se trouve réellement dans une situation financière très délicate. Question : Comment les grenoblois peuvent-ils mesurer la difficulté et contribuer à la réflexion ?

Nous nous attendions à ce que l’équipe Piolle saisisse cette opportunité délicate pour aller encore plus loin dans la co construction avec les citoyens. C’est bien lorsque la situation est difficile que la concertation devient indispensable. Sinon à quoi sert-il de mettre en place une démocratie participative si ce n’est pour l’utiliser que pour des sujets consensuels et moins urgents ?

Ce plan en 102 mesures, n’a pas été concerté avec les principaux intéressés. Seule l’équipe municipale et certains cadres de la ville ont proposés et arbitrés. Pourtant la majorité s’est engagée depuis deux ans à former les habitants volontaires à comprendre le budget et les arbitrages économiques… pourtant des conseils citoyens indépendants ont été créés pour faire remonter les préoccupations des quartiers… il y avait là, une réelle opportunité de mise en pratique qui n’a pas été utilisée.

Des adjoints nous ont fait part de leur embarras à proposer aux grenoblois un choix de mesures, qui risquerait de provoquer un repli sur des intérêts individuels aux dépends de l’intérêt général. L’un d’eux a même pris comme exemple les 3 pétitions remises au maire lors du conseil, par les collectifs de défense des bibliothèques, comme preuve d’une concurrence insurmontable… C’est bien mal connaitre la capacité d’analyse et de mutualisation des citoyens et c’est un grand manque de confiance dans leur propre responsabilité.

Puisque le maire avait opté pour une présentation globale du train de mesures et non un échelonnement moins cristallisant sur 2 ans, ce qui est à souligner positivement, il fallait aller jusqu’au bout et engager le dialogue, au minimum lors d’un conseil municipal. A défaut, les débat se sont eux mêmes « invités » dans cette instance.

L’équipe municipale saura-t-elle redresser le tir et engager une réelle concertation en écho au mécontentement et à la colère qu’elle provoque ?

2. Sur le fond

Les choix sont bien sur douloureux et difficiles quand il faut se serrer la ceinture et diminuer la voilure des services municipaux. Mais c’est bien la, une réalité de gestion incontournable et c’est dans cette situation que l’on mesure jusqu’où l’équipe en place  préserve les orientations essentielles de son programme municipal. Nous craignions que le « bouclier social » en ait fait les frais.

A ce sujet 2 éléments de ce plan d’austérité restent pour nous des erreurs essentielles :

  • 1. Certaines fermetures programmées touchent directement les quartiers populaires. Au moins 2 bibliothèques et un centre social sont situés dans des secteurs en politique de la ville. Proche des quartiers Tesseire et Léon Jouhaux, le centre social Bajatiere organise de nombreuses activités : soutien scolaire, sorties familles, temps parents-enfants, soutien psychologique, formation aux gestes de secours,  vide grenier, projet d’aide à l’emploi pour les jeunes, qui ne seront plus assurés à la même hauteur. La dégradation du service de santé scolaire portera en premier lieu sur les enfants des familles les plus précaires de la ville.  La présence des services publics est indispensable dans les quartiers populaires car ils permettent d’éviter le repli sur soi. Sous prétexte de rationalisation, il est contre productif de les enlever. Ces choix alourdissent le caractère stigmatisant pour ces quartiers. Nous pensons que tout aurait du être fait pour ne pas impacter les grenoblois les plus fragiles.
  • 2. Le choix de fermer 3 bibliothèques de quartier est désastreux. Une bibliothèque de proximité, ce n’est pas qu’un guichet d’emprunt de livres, elle a un autre rayonnement, c’est aussi et surtout un lieu structurant proche qui crée du lien social. Au delà de l’économie réalisée, c’est toute la symbolique de la lecture et de l’éducation qui est touchée. « Quelque soit le coût d’une bibliothèque ce n’est pas cher payé comparé à celui d’une nation ignorante ». Le critère utilisé du nombre de bibliothèques/habitant reste très limité. Il faudrait prendre en compte aussi la sociologie et la population du quartier, l’articulation de la bibliothèque avec les autres équipements ainsi que les enjeux de la mixité sociale, de l’accès à tous aux services publics. Au delà du développement des services à distance, pour les enfants le premier besoin c’est d’abord le conseil, le contact, l’intimité. Et à l’heure d’internet, l’attrait du livre ne faiblit pas, la fréquentation des bibliothèques a doublée en France depuis 20 ans.
  • La fin programmée par la Mairie, des bibliothèques de quartier est une erreur si elle n’est pas repensée autrement, tant au niveau de l’offre de lecture publique que de celui des équipements culturels de proximité. Dans un contexte où la modernisation des bibliothèques contribue à les affranchir de leur rapport au territoire local en développant des services individuels à distance, l’ancrage territorial des petites bibliothèques urbaines est un atout pour repenser l’action culturelle. « Sans abandonner leur  caractère essentiel de lieu d’information critique et d’espace social public, les petites bibliothèques en milieu urbain sont une invitation à repenser la proximité en bibliothèque sous de nouvelles formes. »

 

 

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