Comment hésiter entre Macron et Le Pen ?

Charlie Hebdo dans son édito du 26 Avril 2017 prend nettement position pour faire barrage au FN dans un article intitulé : 18 % OU 35 % ?

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Pour dramatiser le résultat, les chroniqueurs utilisent depuis dimanche soir les mots « séisme » ou « explosion du paysage politique français ». En réalité, c’est seulement le pourcentage final qu’obtiendra Marine Le Pen le soir du second tour qui indiquera si, oui ou non, cette élection aura été un « séisme ».

Si, face à Macron, elle obtient autour de 18 % des suffrages, c’est-à-dire à peu près le même score que son père en 2002 face à Chirac, on ne pourra pas parler de « séisme », car la part du peuple français prête à l’envoyer à l’Élysée aura à peine augmenté en quinze ans. En revanche, si Marine Le Pen obtient un score nettement au-dessus de 18 %, par exemple entre 25 % et 35 %, on pourra parler de tremblement de terre politique. Car cela signifierait que, dans la phase ultime de l’élection présidentielle, près d’un tiers des Français veulent un président d’extrême droite pour diriger une des plus grandes démocraties d’Europe. Avec un score entre 25 % et 35 %, elle pourra se vanter d’avoir fait progresser l’extrême droite de 7 à 18 points depuis 2002. Un séisme, effectivement.

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Les valeurs de Charlie ont toujours été aux antipodes de celles du FN.
En attendant, il nous reste quinze jours pour faire notre choix. En réalité, quinze secondes devraient suffire.

Comment hésiter entre Macron et Le Pen ? Il n’est pas dans nos habitudes de donner des consignes de vote, car Charlie Hebdo n’est pas un parti politique et ne roule pour aucun d’entre eux. Cependant, il ne faut pas être hypocrite. Ne pas militer pour un candidat ne signifie pas pour autant n’être fidèle à aucune valeur. Et ce qui est sûr, c’est que les valeurs de Charlie Hebdo ont toujours été aux antipodes de celles du Front national.

…/…Charlie Hebdo avait appelé en 1995 à la dissolution du Front national, parce que ses valeurs racistes et xénophobes nous semblaient incompatibles avec la démocratie. À l’époque, un sénateur socialiste nommé Jean-Luc Mélenchon avait été l’un des rares à soutenir cette initiative de Charlie Hebdo.
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Le vote est à la fois un choix personnel où l’électeur exprime ses convictions et en même temps un choix de société qui a des implications collectives. Faut-il privilégier son confort intellectuel plutôt que l’intérêt général ? Non, car l’engagement politique est d’abord tourné vers les autres. Le discours du genre « qu’est-ce que les politiques ont fait pour moi ? » est typiquement populiste et
démagogique. Comme si la politique était un bureau des réclamations qui aurait l’obligation de satisfaire toutes nos exigences. Quand la peine de mort fut abolie en 1981, combien de Français en tirèrent un profit personnel, à part une poignée de condamnés qui attendaient l’exécution de la sentence ? Une grande décision n’est pas forcément proportionnelle au nombre de citoyens qui en bénéficient.
On ne vote donc pas d’abord pour soi, mais pour les autres, et pour cette raison, on peut être amené à glisser dans l’urne un bulletin qui ne servira pas forcément ses intérêts personnels, mais d’abord des valeurs. En tout cas, on l’espère.
En quelques mois, Macron, surgi de nulle part, se trouve en position de devenir président de la République. Le soulagement de voir une fois de plus écartée la menace du Front national ne doit pas nous faire oublier que dans cinq ans il faudra remettre ça. Dans quel état sera Macron en 2022 ? Dans quel état sera la France en 2022 ? Macron ressemble à un fusible qui aura permis d’éviter in
extremis l’incendie Marine Le Pen. Mais qui sera en mesure de le faire une fois de plus à la prochaine élection présidentielle ? S’il est élu, Macron n’aura que cinq ans pour écarter à nouveau cette menace. Marine Le Pen, elle, aura tout son temps.