En 2015, Général Electric rachetait la branche électricité d’Alstom en promettant la création de 1 000 emplois, la préservation des sites industriels et la R&D (recherche et développement) sur le territoire national. Cette promesse déjà oubliée, dès 2016, GE annonce la suppression de 6 500 emplois en Europe dont 765 en France. Ainsi, le 1er juillet, GE annonce un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant la suppression de 345 emplois sur les 800 du site de Grenoble ainsi que la fermeture de l’atelier de mécanique lourde. Il s’agit d’un vaste plan de délocalisation vers la Turquie, l’Inde, le Kenya, et la Hongrie dont l’ampleur est incompréhensible. L’ambition de GE étant de structurer le format de l’entreprise pour assurer une profitabilité élevée au prix d’une casse humaine et sociale injustifiée.

En effet, GE Hydro Grenoble est une entreprise centenaire, détentrice d’un savoir-faire hors pair. L’usine de Grenoble est à l’origine de l’installation de 25% du parc hydroélectrique mondial, dont la plus grande centrale électrique du monde : le barrage des Trois gorges en Chine. La notoriété de GE Hydro tient à la capacité du site à apporter toutes les garanties nécessaires en termes de sécurité d’utilisation, de fiabilité et de rendement. Cet avantage concurrentiel n’est possible qu’en maintenant sur un même site les fonctions d’ingénierie et la chaîne de fabrication.

Au moment où les concurrents suisses et autrichiens font le choix de préserver et d’investir massivement dans leurs centres de production nationaux, la décision de GE d’amputer le centre technique névralgique de toute sa branche hydraulique est incompréhensible, à moins de considérer que GE souhaite progressivement se désinvestir de l’hydraulique. Les arguments du géant américain invoquant «un marché hydraulique largement saturé» ne tiennent pas. Il s’agit d’un plan purement boursier, visant la réduction drastique des coûts afin de sacrifier l’hydraulique au bénéfice de l’éolien.

De fait, les experts prévoient une croissance du marché de 2% à 3% par an jusqu’en 2040. D’ailleurs GE, prévoit de doubler les commandes d’ici 2020 avec un objectif de commandes de 2 milliards d’euros. Avec 16% de la production électrique mondiale, l’hydroélectricité constitue la troisième source de production électrique mondiale et la deuxième française. La France est le deuxième pays européen producteur d’hydroélectricité, derrière la Norvège. D’ici 2025, la croissance prévisionnelle du secteur dépasse les 20%. Selon les estimations (Andritz, Agence internationale de l’énergie) entre un quart et un tiers seulement du potentiel hydraulique mondial est exploité aujourd’hui, ce qui démontre l’immense potentiel de croissance du secteur.

Au-delà des arguments économiques, l’hydroélectricité est un levier essentiel de la transition énergétique. C’est la première énergie renouvelable en France comme dans le monde, seule énergie renouvelable stockable (grâce notamment aux Stations de transferts d’énergie par pompage – STEP – dont GE Hydro est le leader mondial) en l’état actuel de la recherche. Composante essentielle du mix énergétique grâce à la stabilité et la flexibilité de son réseau, l’hydroélectricité permet d’éviter chaque année l’émission de plus de 3 milliards de tonnes de CO2. Grâce a des rendements exceptionnels, l’hydroélectricité produira d’ici vingt ans plus d’énergie que l’éolien et le photovoltaïque cumulés tout en assurant une stabilité d’approvisionnement que ne permettent pas encore ces deux modes d’énergies. A ce titre, le silence assourdissant du ministère de la Transition écologique et solidaire, responsable de la politique énergétique nationale et du respect des engagements de la France lors de l’accord de Paris est incompréhensible.

Enfin, nous ne pouvons pas ignorer les conséquences dramatiques de ce démantèlement pour les salarié·e·s et leurs familles. La casse sociale associée à la casse de ce savoir-faire indispensable à notre économie est inacceptable.

Pour toutes ces raisons, nous ne devons pas laisser GE démanteler ce site et priver la France de son avantage concurrentiel et de sa position de leader mondial de l’hydroélectricité. Abandonner GE Hydro c’est renoncer à un modèle énergétique robuste, économe et durable face aux enjeux d’approvisionnement en énergie. Nous appelons l’Etat à tenir ses engagements lors de l’accord signé avec Alstom et General Electric en 2015 et à concrétiser enfin ses ambitions énergétiques. A défaut, l’Etat doit favoriser le rachat du site par un concurrent national ou européen à même de garantir sa pérennité.

C’est un impératif économique et écologique pour la France comme pour le monde entier. Des choix d’avenir s’imposent maintenant. L’Etat doit retrouver son rôle de stratège et définir de manière transparente et démocratique les axes de sa politique énergétique. Il en va de notre indépendance énergétique comme de notre capacité à en maîtriser son coût. Un Grenelle de l’énergie s’impose !

Premiers signataires : Benoît Hamon, fondateur du mouvement Génération.s ; Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, sénateur de Paris ; Jean-Luc Mélenchon, député des Bouches-du-Rhône, président du groupe parlementaire La France Insoumise ; Marie-Noëlle Battistel, députée de l’Isère (PS), vice-présidente de la commission des Affaires économiques ; Christophe Ferrari, président de Grenoble Alpes Métropole (PS) ; Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère (divers gauche), vice-président de la commission Aménagement du territoire et développement durable ; Eric Piolle, maire de Grenoble (EE-LV) ; André Vallini, sénateur de l’Isère (PS).