Hommage à notre ami Paul KELLER

photo2Paul a été au cœur du groupe fondateur de GO 95 qui s’est réuni à partir de l’hiver et du printemps 93. Qui étions-nous ? Un rassemblement de personnes issues principalement de trois composantes de la société locale : milieu politique de gauche, monde associatif, mouvement syndical.

Nous partagions la volonté de créer les conditions d’une victoire de la gauche aux municipales de 95, mettant fin « aux années Carignon », et de le faire sur une base de renouvellement des pratiques politiques : mieux impliquer les habitants dans les affaires publiques, faire confiance à leur capacité à être des citoyens actifs dans la construction de la cité, reconnaître le rôle majeur des associations comme médiatrices dans le parcours qui va de l’expérience individuelle à l’action collective.

Renouvellement des pratiques politiques passant aussi par le cheminement de la décision politique qui distingue le temps de l’information des citoyens, celui de la délibération (réflexion partagée, confrontation des points de vue), celui de la décision résultant ou non d’un compromis et enfin celui de la mise en œuvre de celle-ci.
Renouvellement se traduisant enfin dans l’exercice de la responsabilité politique cherchant à lui donner une assise élargie et une clarté qui la rendent plus accessible et plus lisible par l’ensemble des citoyens. Avec un symbole et une mesure forte exprimée dès ce moment-là : le non cumul des mandats.

« Mouvement politique local », ainsi nous définissions-nous pour signifier cette volonté de « faire de la politique autrement » autre expression de l’époque. « Mouvement » et non parti, évolutif, ouvert, divers, favorisant la mise en route des personnes en ménageant leur propre rythme.
Et « local» ? : favoriser une approche politique à partir des enracinements des personnes dans un territoire, une association, une communauté. Partir du terrain et du quotidien pour s’inscrire dans la recherche du bien public et dans le débat politique, que celui-ci soit de nature locale ou de portée globale. Refonder la gauche et sa visée de transformation sociale, à partir d’une conscience civique et d’une capacité citoyenne reconnues et restaurées.
Plusieurs grandes figures, dont Daniel Hollard aujourd’hui disparu, animaient notre aventure et symbolisaient alors notre mouvement naissant.
Parmi elles, Paul Keller, haute et forte silhouette, source permanente d’inspiration et de propositions, attentif à promouvoir et formuler des synthèses créatrices, plein d’allant à faire progresser nos échanges et nos débats (sans jamais s’éterniser inutilement !).

A son côté Simone, moins visible mais tout autant présente, exigeante, active et pertinente.

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On retrouve la patte de Paul dans les orientations fondatrices de GO rappelées à l’instant. Mais il faut aussi souligner la permanence de sa présence et son attention à notre mouvement jusqu’à la fin de sa vie.
Il y a le bonheur des commencements, l’allégresse des départs. Et puis le « dur désir de durer », la patience et la lenteur des avancées, les risques d’enlisement, les combats douteux, en tout cas laborieux, pour changer quoi que ce soit au cours des choses et au désordre établi. Paul nous a accompagnés, alimentés, soutenus au fil du parcours de ce qui est devenu fin 95 « Go Citoyenneté » dans ses ouvertures et ses impasses, dans sa consistance et ses insuffisances.
Un seul exemple, très significatif à de l’apport de Paul à la réflexion politique c’est son regard sur la laïcité, plus que jamais d’actualité. Citons pour ce faire les éléments d’un texte de 2004 rédigé par lui dans le cadre d’un groupe de travail : « La laïcité instaure l’autonomie du politique par rapport au religieux et s’oppose à toute main mise des institutions religieuses sur la société ; la laïcité est anticléricale, mais non antireligieuse ».

Aujourd’hui trois questions majeures se posent :

1) que devient l’espace public ? Il doit être « neutre ». Mais acceptons-nous qu’il soit le lieu du débat, y compris sur les croyances et les convictions ? Et que la laïcité soit inclusive et non exclusive ? Il ne faut pas rejeter les identités religieuses hors de l’espace social. Citons encore : « Dissocier la sphère du politique de la sphère religieuse doit conduire non à refouler le religieux dans le domaine du privé et de l’intime, mais à le banaliser en lui faisant place dans l’espace public, dans les associations.»

2) La démocratie étant pluraliste, comment reconnaître et gérer la diversité culturelle, mais s’opposer au communautarisme ?
A cet égard les questions les plus concrètes sont celles que provoque l’Islam (voile, mosquée, formation des imams). Le communautarisme commence quand les citoyens ne sont pas égaux devant la loi. La laïcité est un état d’esprit, une culture qui intègre la différence de manière positive.

3) Quelle démocratie ? Avec la laïcité, il n’y a plus d’autorité supérieure pour organiser les sociétés de manière cohérente, mais appel aux seules démarches démocratiques de régulation. Paul met le doigt sur la tension qui caractérise notre démocratie – et peut la paralyser – entre l’assemblage des libertés individuelles et l’élaboration et la mise en œuvre d’un projet collectif, d’une manière de vivre ensemble. Dans cette tension, la référence réitérée aux valeurs républicaines comme régulatrice d’une vie commune révèle la dimension spirituelle de la politique.

Dans le sillon que nous creusons collectivement pour construire un monde habitable. Il y a la marche et il y a l’horizon, l’idéal qui nous anime et les pas pour nous en approcher.
Dans cette marche, « Le pasteur de haute montagne » qu’était Paul a été pour nous tous à GO un guide sûr. Cet homme fraternel, ce compagnon au sourire amical, à la malice bienveillante, plein de hauteur de vue sans jamais être hautain, d’une grande vaillance dans ses derniers mois, nous oblige.

Que Simone trouve ici l’expression de notre profonde affection.

Pour Go

Jean Philippe MOTTE
Visuel-Keller

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