Quelques textes sensibles et engagés

Après les attentats du 13 Novembre à Paris, de nombreuses personnes ont pris la plume pour exprimer leur tristesse, leurs incompréhensions, leurs fragilités, leurs indignations et leurs espoirs.
Nous vous en livrons quelques uns qui nous ont touchés… et ils y en a beaucoup d’autres
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sur les attentats, la France, le climat idéologique et politique

Extraits : « …/…Mais si on a été attaqué pour ce qu’on fait, alors on a des leviers d’action :

– S’engager dans la recherche pour trouver des énergies renouvelables, car quand le pétrole ne sera plus le baromètre de toute la géopolitique, le Moyen-Orient ne sera plus au centre de nos attentions. Et d’un coup le sort des Tibétains et des Congolais de RDC nous importera autant que celui des Palestiniens et des Syriens.

– S’engager pour trouver de nouveaux modèles politiques afin de ne plus déléguer les actions de nos pays à des hommes et des femmes formés en école d’administration qui décident que larguer des bombes (car parfois les bombes c’est bien il paraît), ou qu’on peut commercer avec un pays qui n’est finalement qu’un Daesh qui a réussi.

– Les journalistes ont montré que les attentats ont éveillé des vocations de policiers chez beaucoup de jeunes. Tant mieux. Mais où sont les vocations d’éducateurs, d’enseignants, d’intervenants sociaux, de ceux qui empêchent de planter la graine djihadiste dans le terreau fertile qu’est la France ? Si elles sont aussi nombreuses que les vocations policières, alorson peut se demander pourquoi les journalistes ont choisi de se focaliser dessus. Si les jeune se tournent plutôt vers les vocations policières qu’éducatrices, on peut se demander ce que cela traduit… »

– Ce texte de Philippe Meirieu
Prendre soin de l’humain
« Nous savions que la vie était fragile, que l’humain c’était par moments et que la démocratie était menacée par les forces archaïques qui habitent encore le monde.
Nous savions que, face à la vacuité de nos modèles économiques fondés sur la consommation compulsive, notre occident peinait à offrir un autre idéal que l’assujettissement aux intégrismes.
Nous savions que tout ce qui nous tient à cœur est mortel et que l’obscurité absolue peut, un jour, faire oublier l’espoir de toute lumière…
Que cette nuit terrible où nous avons éprouvé la terreur de la pénombre, nous rappelle notre fragilité et notre finitude.
Qu’elle renforce ainsi notre détermination à prendre soin de toute vie, de toute pensée libre, de toute ébauche de solidarité, de toute joie possible.
Prendre soin de la vie et de l’humain, avec une infinie tendresse et une obstination sans faille, est, aujourd’hui, la condition de toute espérance.
Sachons qu’un seul sourire échangé, un seul geste d’apaisement, aussi minime soit-il, peut encore, contre tous les fatalismes, contribuer à nous sauver de la barbarie… »
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– Et celui de Magyd Cherfi, du groupe Zebda, qui ne s’est jamais senti aussi Français, paru dans Libé
Carnages
« Je deviens solennellement français »
Il y a des jours comme ça où on aime la France, où on a envie de chanter la Marseillaise, envie d’être tricolore comme un supporter insupportable. Il y a des jours où on se reproche de pas être assez français. Des jours où on voudrait s’appeler Dupont quand on s’appelle Magyd. Suis-je toqué ? Suis-je choqué ? Oui je laisse se répandre la douleur en mon cœur et reposer ma tête percutée de plein fouet.
C’était un carnage et c’est mon jour de baptême, je deviens solennellement français, c’est dit. Je promets devant le fronton des mairies d’aimer la France pour le pire et le meilleur, de la protéger, de la chérir jusqu’au dernier souffle. Suis-je sonné ? Miné ? Je nais.
Il y a des jours comme ça où même anar on porte un drapeau parce que c’est tout ce qui reste à brandir après l’embrasement et il est bleu blanc rouge. Il y a des jours où on aime ce pays même quand il a tort, même quand il se trompe parce qu’il est nous jusque dans les entrailles.
Des jours comme ça où on aime ce pays, ses hameaux, ses villages, ses monuments aux morts. Des jours où on regrette de pas la ménager la vieille dame aux quatre cents fromages.
Des jours où on préfère la justice à sa propre mère, des jours où on est à l’envers. Des jours qui dépassent nos propres idéaux de liberté, d’égalité, de fraternité. Des jours plus forts que la vie et c’est des jours de mort.
C’est vrai, des jours comme ça où on reprocherait à Renaud, Ferré, Brassens d’avoir aimé que la France et pas assez la patrie. Des jours où on voudrait être patriote sans qu’un danger nous guette. Avant le sang, avant le feu.
On devrait avoir envie de sauver la France avant les signaux d’alerte, avant que la mort ne vienne exhaler son odeur dégueulasse. Allez ! Prenons les armes et sauvons ce trésor qui est la république et même la nation. Il y a des jours comme ça où on est de droite, de gauche, de tous les bords tant qu’ils respectent le droit de pas être d’accord. On envie ce pays d’autant tolérer d’avis contraires, d’idées extrêmes et nauséabondes.
Des jours comme ça où on mesure l’état de droit, la liberté, le combat pour la laïcité qu’elle que soit sa maladresse. D’assumer les débats foireux de l’identité nationale, de dire oui à la France quelle qu’elle soit, de tout assumer, Pétain et Jean Moulin, le lâche et le héros, l’orfèvre et le bourrin, l’étroit comme l’iconoclaste ? Des jours où Finkielkraut est un enfant de cœur, où le front national n’est qu’un adversaire de jeu.
Il y a des jours à lire Houellebecq pas pour ce qu’il écrit mais parce qu’il a peur ! Des jours à écouter Zemmour, Morano et Delon et la cohorte des dépités parce qu’ils perdent la boule. Des jours comme ça où on veut s’acheter deux sapins, un pour la tradition, l’autre pour l’effort de porter ce pays qui essaie en trois mots de nous faire une place.
Des jours où on veut manger des crêpes à mardi gras et à Pâques du chocolat.
Des jours où même noir ou même musulman, on veut bien que nos ancêtres soient gaulois.
Des jours comme ça où on s’incline devant la tombe du soldat inconnu, où on rechigne pas à la minute de silence. Des jours de fleurs pour tous les «morts pour la patrie» et qu’ils le soient au front ou à l’arrière-salle d’un restaurant. Des jours où on choisit son camp parce qu’il n’y en a pas d’autres.
Des jours où on applaudit à tout rompre les uniformes, tous les gardiens de la paix, les paras et les flics. Ce jour-là on aime les Français quels qu’ils soient. Des jours, mais il y en aura d’autres. »