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Rythmes scolaires, semaine de 4 jours : le débat doit reprendre… ou plutôt commencer, par Paul Bron

Aura-t-il fallu le récent rapport de l’Académie de médecine, portant un regard très sévère sur l’école
à quatre jours, pour qu’enfin le ministre de l’Éducation Nationale consente à réinterroger cette aberration pédagogique ?


Il y a tout juste un an et demi, l’ancien ministre Xavier Darcos supprimait par décret l’école le samedi matin, et le président de la République imposait les quatre jours » sans un report sur les autres jours de la semaine ».

Avec 140 jours d’école, la France détenait ainsi l’année scolaire la plus courte d’Europe et, paradoxalement, l’un des plus grands nombres d’heures de classe

http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/04/08/rythmes-scolaires-semaine-de-4-jours-le-debat-doit-reprendre-ou-plutot-commencer-par-paul-bron_1330822_3232.html

Sourds aux nombreuses voix qui s’élevèrent ensuite pour dénoncer cette réforme, aux appels à expérimentations, aux offres de dérogation, les autorités scolaires ont verrouillé le débat local et contraint 95 % des écoles du pays à appliquer cette organisation.

« L’aménagement de la semaine scolaire n’est pas en cohérence avec les connaissances de la chronobiologie de l’enfant, et cela à tous les niveaux de l’organisation, journée, semaine ou année scolaire », a déclaré l’Académie de médecine, préconisant le retour à une école sur cinq jours, un trimestre articulé autour de sept semaines de travail pour deux semaines de congés, et la réduction des congés d’été.

Soudain, changement de cap au ministère : Luc Chatel demande aux autorités académiques d’encourager l’école le mercredi matin (Bulletin officiel du 18 mars).

Quant on connaît l’importance des rythmes scolaires comme facteur de réussite de l’enfant, comment accepter que nos dirigeants se permettent ainsi d’imposer un aménagement de la semaine scolaire, pour changer d’attitude un an après la réforme ? Contraire aux préconisations de tous les experts, cette mesure qui a été prise dans la précipitation, sans concertation , a un effet désastreux. « Vous mettez à mal le rythme de vie des enfants » s’exclame Philippe Mérieux, « c’est de la maltraitance » s’insurge le professeur Montagnier, en expliquant que la disponibilité cognitive d’un enfant de 6 ans ne dépasse pas trois heures par jour, celle d’un enfant de 10 ans quatre heures, et qu’un élève en difficulté aura déjà décroché bien avant, Pourtant la résistance s’était installée. Les fédération de parents d’élèves, FCPE en tête, ont réagi vigoureusement, la ville de Grenoble a été l’une des premières à inviter au débat ses huit mille parents d’élèves et les enseignants par le biais de quinze rencontres de proximité. D’autres grandes villes Lille, Brest, Angers, Mulhouse, ont engagé les mêmes démarches. Le Réseau français des villes éducatrices , l’Inspection générale de l’éducation nationale ont tiré la sonnette d’alarme, mais il n’a été possible, nulle part, de faire bouger les lignes.

Car le changement d’organisation de la semaine scolaire est un vrai chantier. Dans le cadre d’un projet de mise en place de l’école le mercredi matin, l’ensemble des partenaires éducatifs est impliqué : l’équipe enseignante devra repositionner le nombre d’heures journalier et les emplois du temps, la commune reconsidérer le temps de pause méridienne, les activités périscolaires et reconstruire une continuité éducative le mercredi après-midi avec les centres de loisirs ; les associations revoir leurs offres culturelles, sportives, confessionnelles du mercredi matin.. L’éducation nationale devra réexamiser ses offres de formation et réajuster le remplacement des enseignants en cas de rythme différent sur un même territoire ; les parents d’élèves poseront leurs exigences en termes de qualité et d’amplitude de garde… Bref, un chantier complexe, délicat et enthousiasmant, qui supposerait la collaboration, au même titre, de tous les acteurs éducatifs autour de l’enfant.

Mais il serait illusoire de demander à chaque conseil d’école de s’engager dans une telle démarche. Car actuellement, la seule possibilité de déroger à la semaine de quatre jours dépend d’une décision majoritaire du conseil d’école. On peut facilement comprendre la difficulté de concilier les opinions de tous les acteurs : enseignants, parents, commune, sur des enjeux aussi essentiels. A cela s’ajoute la nécessité d’un positionnement conjoint entre école maternelle et élémentaire, et par extension une cohérence au niveau du quartier, voire de la ville entière.

Dans cette situation, peu de changements sont vraiment à attendre. Aussi ce revirement ministériel n’aura-t-il pas d’effet tant qu’une concertation de l’ensemble des partenaires éducatifs ne sera pas mise en place. Un syndicat d’enseignants demande une conférence de consensus, le Réseau français des villes éducatrices propose d’expérimenter une autre semaine scolaire, l’Association des maires des grandes villes françaises, l’Association des maires de France et les fédérations de parents d’élèves veulent relancer le débat.

Seule la mise en place d’une mission gouvernementale, associant toutes les composantes concernées par l’aménagement de la semaine scolaire, chargée d’explorer les différentes hypothèses, dans une démarche de concertation, permettra sans doute d’apaiser les colères et de proposer des pistes qui respectent le rythme de vie des enfants et de leur famille.

Paul Bron est adjoint au maire de Grenoble, chargé de l’éducation.