Actis/Grenoble Habitat : les pistes suite au débat de GO du 11 Juin

La ville de Grenoble et la Métropole envisagent une fusion de l’OPH Actis avec la SEM Grenoble Habitat. De nombreuses voix se sont exprimées contre cette fusion, sans exclure l’intérêt d’un rapprochement sous une autre forme. Cette fusion, inscrite à l’ordre du jour du conseil métropolitain du 5 Juillet, a été reportée à celui du 27 Septembre…La consultation du CSE a donné un avis défavorable à la dissolution d’Actis et fusion avec Grenoble Habitat.

Une partie du débat concerne la structure juridique de portage de ces organismes. Fusion ou rapprochement ? Une proposition porte sur la SAC Société Anonyme de Coordination, proposée par la loi ELAN.
Nous reproduisons ici, en fin d’article,  2 opinions contradictoires. Celle de l’ADES paru le 29 Juin et les réponses apportées par Jean François LAPIERE ancien directeur d’ACTIS

Un meeting est organisé par les associations de locataires et les syndicats le 2 juillet à la Maison des Associations. Le prochain conseil d’administration d’Actis est prévu le 30 Juillet !!!

Pour permettre une information publique et contradictoire, GO Citoyenneté a organisé le seul débat local sur ce sujet à Grenoble, le 11 Juin, en se plaçant du point de vue des locataires. Vous trouverez ci dessous le compte rendu de cette rencontre.

Les pistes, suite au débat de GO Citoyenneté du 11 juin

Regroupement Actis/Grenoble Habitat : quels bénéfices pour les locataires ?

L’objectif de GO Citoyenneté, en ouvrant ce débat, était de mettre sur table les éléments de compréhension d’une possible fusion entre deux bailleurs sociaux, Actis et Grenoble Habitat, pour que chacun puisse se faire une idée. Nous avions invité des personnes aux points de vue différents et nous semble-t-il, complémentaires : Julie Martin,  de la CSF,  Jean-François Lapiere, ancien directeur d’Actis et Christine Garnier, Vice-présidente en charge du logement et de la politique foncière à Grenoble-Alpes Métropole. Mais cette dernière nous a fait savoir qu’elle ne viendrait pas. Peut-être en lien avec le fait que la délibération devant acter la fusion entre Actis et Grenoble Habitant était repoussée du 5 juillet à septembre…

Le débat réunissant une cinquantaine d’acteurs fut tout de même riche et ouvert.

 

En 2015, la Métropole grenobloise prend la compétence logement avec, de fait, le rattachement d’Actis ; Grenoble Habitat demeurant dans le giron de la ville de Grenoble. La fusion prévue actuellement entre les deux bailleurs sociaux n’est pas obligatoire, mais elle pourrait permette, du point de vue de la métropole, d’avoir un outil unique pour sa politique de l’habitat. Cependant, la métropole et la ville s’y attèlent au pas de course, en laissant sur le bas-côté locataires et salariés.

La question que nous nous sommes posée est la plus-value de cette fusion programmée pour les lobaires et les salariés. 

  1. En ce qui concerne la représentation des locataires au sein des conseils d’administration, le fonctionnement actuel est différent entre Actis et GH : la place des locataires est régie par la loi pour Actis. Pour GH, c’est le conseil d‘administration qui calibre la place des locataires. Au sein d’une SEM, qui devrait être la nouvelle forme issue de la fusion, il semble qu’il n’y ait pas d’obligation de représentation, au risque donc d’une réduction. De plus, les locataires membres du CA d’Actis participent aux débats nationaux dans le cadre du mouvement des HLM (Union sociale de l’habitat), ce qui ne sera plus le cas après fusion. Les associations de locataires sont donc inquiètes sur leur place et leur réelle capacité à représenter les locataires et à peser sur les orientations d’une SEM, qui serait en plus « une grosse machine ».
  2. En ce qui concerne les salariés, ils sont inquiets, car la fusion pourrait bien se traduire par une réduction des emplois, notamment de proximité, ce qui est la force d’Actis, qui dispose de plusieurs agences et d’un gros parc de logements à bas loyer. Pour exemples : l’équipe « Prévention, médiation et tranquillité » date de 2000 chez Actis, alors qu’elle a été créée en 2014 à GH. L’équipe « innovation sociale et développement territorial » qui accompagne des projets d’habitants chez Actis n’existe pas à Grenoble Habitat. Ou encore, le contrôle de nettoyage est effectué avec les locataires chez Actis, il ne l’est pas chez GH… Nous sommes donc face à deux bailleurs qui ont des approches, organisations et métiers différents.

De plus, il semble que les salariés soient actuellement dans une pression et tension qui nuit à la continuité du service.

La question que les acteurs se posent, est : « pourquoi aller si vite ? » Des raisons économiques sont évoquées : une réduction d’emplois notamment dans les services de proximité qui sont considérés comme chers et  la ville de Grenoble souhaitant vendre ses parts de GH…

Un office HLM et une SEM n‘ont pas les mêmes objectifs ni les mêmes modes de fonctionnement et il semble que la transformation annoncée ne permette pas :

  • d’assurer une véritable représentativité des locataires dans les instances,
  • de garder les objectifs de bailleur social au service de tous et notamment des plus démunis,
  • d’assurer une gestion de proximité efficace, garante d’un parc social bien géré.

Une fusion rapide entre deux structures qui ont des objectifs, une histoire et une organisation différents ne peut se faire si rapidement, d’autant que la loi ne l’oblige pas. Les différents acteurs réunis ne sont pas contre un rapprochement, mais pas dans la précipitation ; la fusion ne peut se faire en quelques mois, comme l’ont prévus la métropole et la ville de Grenoble. Nous préconisons de regarder les possibilités de créer un modèle innovant, mais prévu par la loi : une société de coordination, qui permettrait le rapprochement entre les deux bailleurs, tout en gardant l’identité de l’un et de l’autre.

Prenons le temps ! Demandent l’ensemble des acteurs présents

Nous proposons donc de mettre en place une instance citoyenne, composée d’une diversité d’acteurs, qui pourrait remettre des propositions à la ville de Grenoble et à la Métropole, afin de prendre le temps de réfléchir entre différents acteurs, en étant garant du bien être des locataires et des salaries.

Innovons dans notre façon d’aborder la question, le logement social dans notre territoire le vaut bien !


 

Cet article a été publié le vendredi 28 juin 2019, il est classé dans Le Rouge & le Vert Hebdo.

Les paragraphes  en rouge, correspondent aux réponses apportées par jean François Lapiere, ancien directeur d’Actis

 

la Société de coordination, une fausse bonne idée

« ADES – Le Rouge et le Vert

Des opposants à la fusion ACTIS/Grenoble-Habitat, proposent comme alternative la création d’une société anonyme de coordination (SAC) suivant les préconisations de la loi Elan. Mais, avant de se lancer dans une telle aventure il faut examiner exactement ce que le gouvernement a mis derrière cette nouvelle société.

Contrairement à la loi précédente, la nouvelle SAC devient un opérateur HLM; il ne s’agit donc pas d’une simple coordination vite montée entre les deux bailleurs. Il faut qu’elle obtienne l’agrément de l’Etat pour exister et donc qu’elle réponde aux exigences de la loi qui sont nombreuses et complexes et il faudrait que Grenoble Habitat et ACTIS en soient d’accord. Or les tenants de la SAC ne se sont pas assurés de cet accord. Et il faut attendre un décret d’application qui précisera les clauses types qui devront respecter les statuts de la SAC.

C’est précisément l’un des intérêts de la SAC, c’est un organisme HLM. En quoi cela peut-il déranger la Métro. ? L’appartenance au mouvement HLM est un grand plus pour défendre les intérêts de ce secteur.

Un inconvénient majeur : le nouvel organisme HLM voit disparaitre dans son actionnariat les collectivités locales, qui perdront tout pouvoir direct de décision sur cet organisme. Les représentants des collectivités seront simplement présents à l’assemblée générale et au conseil d’administration, mais exclus des décisions stratégiques. Dans les sociétés anonymes ce sont les actionnaires qui décident et le code général des collectivités territoriale interdit aux collectivités d’être actionnaires de société anonyme, sauf des exceptions, notamment des SEM et des SPL.

Les collectivités locales peuvent être présentes au sein de l’assemblée générale et dans les instances délibérantes (extrait du document La Société de Coordination, édité par la FOPH).

Par ailleurs, chaque organisme (Actis et GH)  va désigner des représentants à l’AG et au CA. Ces représentants peuvent être choisis parmi les élus membres des CA de Actis et GH. Les collectivités territoriales sont bien les décideurs au sein de la SAC.

En effet la loi ELAN impose que ce sont les membres autres que les collectivités territoriales qui définissent l’objet de la SAC qui est d’élaborer le cadre stratégique patrimonial et le cadre stratégique d’utilité sociale qui comprend « des orientations générales et des objectifs chiffrés pour les engagements sur la qualité de service rendu aux locataires, la politique patrimoniale, la gestion sociale, la concertation locative avec les locataires et, le cas échéant, la politique en faveur de l’hébergement et la politique d’accession. » Concrètement ce sont les organismes actionnaires de la SAC, sans intervention directe des élus, qui définiront dans le détail tous les aspects de la gestion financière, sociale et patrimoniale des logements sociaux. Cet éloignement des élus est une préparation cachée de la privatisation de la politique du logement social.

Ces affirmations sont totalement dénuées de fondement. On l’a vu, les administrateurs de la SAC peuvent (et ont vocation à être ) des élus !

L’USH (Union sociale pour l’habitat) qui regroupe les bailleurs sociaux (dont la Fédération des OPH) a fait une analyse approfondie de la loi ELAN et à propos de la SAC elle écrit : « les objectifs assignés par le législateur au plan de la restructuration du secteur font porter à cette forme de groupe des obligations identiques à celles pesant sur les groupes dits capitalistiques : orientations stratégiques, objectifs chiffrés sur les divers champs d’action du service d’intérêt général. Afin d’assurer l’efficacité du dispositif, la loi confère à la société de coordination des pouvoirs et des responsabilités parfois exorbitantes du droit commun…

La loi Elan impose à la société de coordination la réalisation d’un certain nombre de missions ainsi que des actions directives à caractère parfois coercitif envers les membres de son groupe. A cet égard, le législateur a pris soin d’écarter les collectivités territoriales et leurs groupements du champ d’action imparti à la société de coordination. »

Les missions obligatoires de la SAC sont définies par la loi : notamment mettre en cohérence les stratégies patrimoniales et techniques, réaliser une politique d’achat commune, organiser la circulation des ressources financières, élaborer une marque commune (extrait du même document).

D’autres missions sont mutualisables, elles doivent définies dans l’étude de création de la SAC, puis évolueront par décision du CA, donc par décision des élus (voir plus haut).

La fédération des OPH a rappelé que son ADN était :« l’ancrage territorial et la gouvernance démocratique garantie par la présence des élus dans les Conseils d’administration. » La SAC ne répond pas à ces exigences.

Reprenons les citations complètes, celle indiquée par l’ADES  est issue du document que j’ai déjà cité. Le document dit : »Pour nous offices, il fallait donc proposer un outil de regroupement (différent d’une fusion) qui respecte notre ADN :  l’ancrage territorial et la gouvernance démocratique garantie par la présence des élus dans les Conseils d’administration. »

Et un peu plus loin (même page) : « La société de coordination est cet outil que la loi Elan va proposer aux organismes de logement social, et en priorité aux offices ».

Une fois que le mariage aura été consommé, la loi donne des pouvoirs très étendus à la SAC qui peuvent conduire jusqu’à la disparition d’un des actionnaires qui serait défaillant économiquement. La loi impose à la SAC : « De prendre les mesures nécessaires pour garantir la soutenabilité financière du groupe ainsi que de chacun des organismes qui le constituent, autres que les collectivités territoriales et leurs groupements. Elle peut notamment décider d’interdire ou de limiter la distribution du résultat ou la réalisation d’un investissement. Lorsque la situation financière d’un organisme le justifie, elle peut le mettre en demeure de lui présenter les mesures qu’il s’engage à prendre en vue de remédier à sa situation dans un délai raisonnable. A défaut de rétablissement de la situation, et nonobstant toutes dispositions ou stipulations contraires, elle peut, après avoir au préalable consulté les organes dirigeants de l’organisme concerné, décider la cession totale ou partielle du patrimoine de cet organisme ou sa fusion avec un autre organisme du groupe… »

Où est le problème. Alerter sur et garantir la santé financière de chacun des organismes, c’est simplement un intérêt évident pour chacun des organieme et pour la Métro.

Autre question primordiale : lorsqu’on veut organiser une coopération entre deux structures il faut que les deux y trouvent leur compte et ne se trouvent pas entravés dans leurs activités. Pour ACTIS on peut imaginer l’intérêt d’aller en ce sens car il y en va de son existence locale. Au 1er janvier 2021 il faut qu’il ait rejoint un autre bailleur, mais il devra abandonner une partie de son autonomie de gestion à la SAC. Et la loi n’impose pas d’obligation de solidarité entre les organismes membres de la SAC contrairement à ce qui existe dans un GIE. Donc ce n’est pas une protection pour ACTIS contre l’asphyxie financière organisée par les décisions présidentielle et gouvernementale.

Pour Grenoble Habitat, il n’y a aucun intérêt à participer à une telle opération puisque la SEM y perdra beaucoup de sa souplesse de gestion qui fait sa force qui lui permet de décider dans l’immédiat de participer à une opération de construction dans le secteur concurrentiel afin d’aider la construction de logements sociaux. La SAC ne lui apportera rien sauf à lui compliquer la vie et la freiner dans son activité. Aucun des ses actionnaires ne pourrait l’accepter puisque qu’elle serait bridée dans son évolution. De plus les fonds propres dégagés dans la SEM par ses activités dans le secteur concurrentiel ne pourront pas aider ACTIS à équilibrer ses comptes.

L’ADES reconnaît que c’est l’intérêt d’ACTIS d’aller dans la SAC. L’ADES défendrait-elle principalement les intérêts de GH et de ses actionnaires privés ?

C’est étonnant ! l’Ades nous répète depuis quelques mois que ce sont les élus locaux qui ont le pouvoir dans la SEM. Donc, si la Métro estime que la SAC est la bonne solution, elle pourra l’imposer dans le CA de GH. A moins que les élus n’aient que des pouvoirs limités par le poids des actionnaires privés dans GH actuel et futur…

Quand aux freins mis par la SAC à GH, ils sont simplement inventés par l’ADES. Chaque organisme garde sa gestion, il n’y a aucune coordination obligatoire dans le domaine de l’accession libre !

Enfin, cette proposition de SAC ne répond à aucune des exigences politiques de la Métropole arrêtées dans la délibération de juillet 2018 et elle est complètement irréaliste. Refuser la fusion en faisant croire qu’il y a une autre solution, signifie que la seule solution pour ACTIS sera de disparaitre dans l’OPH du département ou de vendre ses logements et donc une perte évidente de la capacité pour la métropole de construire un service public local du logement social.

C’est étonnant. Le document réalisé par Sémaphores (pour le COPIL du 8 mars, p39, dans le cadre de la commande Métro-Ville-Actis-GH) dit « la SAC répond à tous les prérequis » !

L’absorption par l’OPAC38 aurait pour conséquence que la Métro perdrait sans aucune compensation financière tout l’actif représenté par les logements et n’aura plus la main sur la gestion des logements cédés puisque dans le conseil d’administration ce sera le département qui sera représenté. Alors que dans la fusion avec GH, la Métro valorise sous forme de capital l’ensemble des actifs d’ACTIS et elle garde la main sur la gestion de ce patrimoine.

Aucun des opposants actuels à la fusion n’a parlé d’absorption par l’OPAC 38….

Et la Métro n’est rien propriétaire des actifs d’Actis qui est un établissement public avec une personnalité juridique indépendante , même si Actis a pour collectivité de rattachement la Métro.

 

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