L’enfant dans la ville, un enjeu qui interroge tous les domaines de la politique municipale

Lors du Conseil municipal du 25 Mars à Grenoble, une délibération portait sur l’adhésion de la ville au réseau « Ville amie des enfants »  porté par l »UNICEF.

Ci dessous l’intervention de Paul Bron pour GO Citoyenneté

 » Grenoble accueille plus de 30 000 enfants non majeurs, soit 20% de sa population. Tout projet municipal sensé se doit de se préoccuper en priorité de l’éducation des enfants et de leur place dans l’espace urbain, afin d’accompagner leurs apprentissages et leur évolution en toute sécurité, vers la vie d’homme, de femmes et de citoyenne et de citoyen.

A Grenoble, il faut préciser aussi que plus d’un tiers des enfants de la ville (10 000 ) vit au dessous du seuil de pauvreté et cette précarité se renforce au lieu de diminuer. Ce constat est glaçant. Il doit nous inciter à être encore plus offensif et solidaire dans nos priorités municipales. Dans nos priorités pour lutter pour la réussite éducative pour tous mais particulièrement pour les plus fragiles, et j’insisterai de même pour dire dans nos priorités géographiques, car vous confirmez vous-même dans votre dossier, ce que souvent vous éludez, et je vous cite : « les enfants les plus touchés se situe notamment dans le sud de la ville. «

Née en 2002 l’initiative « ville amie des enfants » a pour objectif de promouvoir les droits de l’enfant et des jeunes dans les villes de France

Alors cette adhésion semble évidente pour une ville qui annonce faire de l’éducation sa priorité. Mais pourquoi alors avoir suspendu cette adhésion à laquelle la ville de Grenoble était adhérente depuis de nombreuses années. Vous avez été sollicité en début de mandat par l’Unicef pour renouveler l’adhésion. le Président de l’UNICEF Jean Marie Dru est venu à Grenoble en novembre 2016, pour vous demander de redevenir « ville amie des enfants ». Votre hésitation sur plusieurs années est incompréhensible

Vous déclarez aujourd’hui avoir préféré « vous concentrer sur le déploiement de projets autour de l’enfant avant de candidater ». Tonnante réponse … De plus, 80% des projets proposés dans votre dossier de candidature existaient déjà auparavant. Ce qui est logique, vous n’êtes pas arrivés pas sur une terre vierge.

Regardons donc votre dossier de candidature. Vous énumérez les actions innovantes que la ville déploie en direction des enfants selon les 10 domaines répertoriés par l’Unicef.

Je remarque quelques actions nouvelles : l’école municipale de foot féminin, la conception de jeux pour enfants, le mois de la parentalité, le projet « la rue aux enfants », graine de citoyens du monde …il est possible que j’en oublie, vous me compléterez. Mais toutes les autres ne sont pas nouvelles du tout et auraient légitimées largement la prolongation immédiate de l’adhésion à « ville amie des enfants »

Cela dit, Il y a toujours un coté face et un coté pile.

Du côté du verre à moitié vide, faut-il vous rappeler encore, que le service de santé scolaire de la ville a été fortement impacté par le plan d’austérité, que 2 bibliothèques Prémol et Haucquelin, particulièrement ciblée sur l’accueil des enfants notamment en temps scolaire, ont été fermées, que le dispositif « Parler Bambin » a été supprimé, que vous avez annoncé qu’il n’y aurait plus d’ouverture de places de crèches, et enfin qu’une partie de l’accueil du périscolaire est devenu payant, alors qu’il était totalement gratuit…

Du côté positif, je remarque que c’est la première fois que vous développez de façon coordonnée et claire un projet éducatif qui sur certains aspects est novateur. Et je partage en grande partie les orientations que vous développez dans ce projet.

je constate d’ailleurs avec une certaine satisfaction que vous revenez à des principes, que nous avions largement défendus auparavant. Je vous en cite 2.

  • L’ouverture des bâtiments scolaires aux parents d’élèves, aux associations de quartier. J’avais appelé en 2012, cette expérimentation les « maisons de l’éducation». En effet, l’école est ouverte 36 semaines par année, et une trentaine d’heures par semaine. Quoi de plus logique, rationnel et solidaire que de partager les locaux, dans le respect des salles de classe bien évidemment. C’était devenu un principe dans la construction des futures écoles et cela a été expérimenté à l’école Beauvert puis à la future école qui s’appelera Simone Lagrange
  • Le 2eme c’est la prise en compte globale des temps de l’enfant et pas seulement les temps périscolaire rajouté par la semaine de 4jours et demi. Vous y revenez dans la fiche projet «  Placer l’enfant au cœur des activités scolaires » C’est en effet tout à la fois, les temps d’accueil du matin, le temps de la cantine scolaire et celui du soir qu’il faut mutualiser et auxquels il faut apporter de la qualité, tant dans l’encadrement que dans le contenu.

Quelques remarques quand même sur certains des axes que vous présentez

  • Concernant la scolarisation des enfants de migrants. Bien sur il ne s’agit pas directement « d’innovation » mais il est utile de rappeler ce genre d’actions dans le contexte de xénophobie d’aujourd’hui.

Par contre je pense que vous pourriez aller plus loin dans l’accueil scolaire. La problématique n’est pas seulement l’inscription des enfants migrants à l’école mais aussi, les enseignants vous le diront, la capacité d’accueil des écoles. Ces enfants ont souvent besoin aussi de s’habiller, de se doucher de se laver. Si l’école ne doit pas remplacer les parents, dans ces cas la, elle doit pouvoir leur accorder le minimum d’hygiène et de confort pour apprendre correctement. Et les écoles ne sont souvent pas préparées à ce type d’accueil.

  • Enfin sur un autre projet particulièrement sensible Je veux parler de la place de l’enfant dans la ville, de la place de l’enfant dans l’espace public.et ceci ne concerne pas seulement la ville de Grenoble mais aussi tout aussi bien la Métropole.

L’enfant a été en partie sacrifié et vulnérable, dans l’espace urbain. La ville est pensée et construite par les adultes pour les adultes. On le voit de manière très claire par la place dominante de la voiture et des axes routiers. Mais aussi les pelouses interdites, les trottoirs étroits, la circulation des vélos sur les trottoirs…autant de contraintes qui pèsent sur les jeux des enfants en ville.

Se déplacer librement, courir, jouer, rencontrer d’autres enfants, sortir dans la rue sans être accompagné pour goûter à l’autonomie : voilà des éléments nécessaires à l’épanouissement de l’enfant. Or l’espace public en milieu urbain ne le permet pas toujours. Certes, les aires de jeu se sont multipliées. Mais l’enfant s’y trouve comme dans une réserve protégée. De manière générale, tout concourt en priorité à éviter les risques.

Et quand une ville se projette comme une ville en mutation, une ville de demain, elle se pose à juste titre la question de la place de l’enfant. Celui ci est devenu maintenant un acteur majeur pour les enjeux d’une ville durable… et je rajouterai de la ville récréative et joyeuse. Comme le rappelle Françoise Dolto « l’enfant dans la ville ça se prépare ».

Certains disent qu’« Il faut repenser la ville en fonction des enfants, avec une vision à 1,2 m de hauteur » Beaucoup de questions se posent et que j’aimerai vous renvoyer, à vous majorité comme à nous tous :

Comment donner plus de place à l’enfant dans la ville, dans l’espace public ? Quels sont les enjeux pour l’aménagement urbain, la transition écologique, le vivre ensemble ? Quel est notre rôle en tant qu’acteur de l’éducation à l’environnement urbain ?

Comment le plan de déplacements urbains (PDU) prend-il en compte les besoins de l’enfant.

Vous avez initié le programme «  Grenoble, ville de demain », Vous venez de clore une semaine de débat sur la biennale des villes en transition. Pouvez-vous nous dire quels ont été les points forts de cette biennale qui concerne une ville amie des enfants ?

Parce que la place de l’enfant est à réinterroger dans tous les domaines des politiques municipales et parce que nous soutenons les actions éducatives que vous présentez, nous voterons cette délibération. »