Pour l’élection au suffrage universel des élus de la Métropole

Nous sommes résolument favorables à l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains. Ce sera l’un des enjeux des élections en 2020. C’est la raison pour laquelle nous reproduisons ici l’intégralité de la lettre au 1er Ministre, cosignée par Daniel Bloch et Romain Lajarge, à l’occasion de la publication de leur ouvrage : « Grenoble, le pari de la métropole » PUG Janvier 2016.

Dans la nuit du 31 décembre 2014 au 1er janvier 2015, la Métropole de Grenoble a été créée dans un silence assourdissant : ni déclaration politique fracassante, ni fête de liesse dans les rues, ni inquiétudes citoyennes, ni grève des personnels. Pourtant, ce qui n’était alors qu’une intercommunalité gérant 265 millions d’euros et environ 1000 personnels et une douzaine de services publics ou compétences d’action publique est devenue un territoire doté d’un budget de 560 millions, d’environ 1400 agents …..

Objet : Lettre ouverte à Monsieur le Premier Ministre à propos de l’élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains en application de l’article 54 de la loi MAPTAM

Monsieur le Premier Ministre,   Nous venons de publier un ouvrage sur la métropole grenobloise : « Grenoble, le pari de la métropole ». Une des principales conclusions de cet ouvrage est qu’à défaut d’une élection au suffrage universel direct des conseillers métropolitains, les métropoles resteront des intercommunalités presque comme les autres ou, au mieux, seulement des métropoles « confisquées ».

Cette conclusion est tirée non seulement des observations et des analyses que nous avons réalisées, mais aussi – et surtout – du constat partagé avec de très nombreux acteurs opérationnels du travail métropolitain (que celui-ci porte sur le quotidien ou qu’il soit stratégique) : pour que les métropoles soient, demain, ce que vous avez souhaité qu’elles soient, à savoir une vraie et grande chance pour le développement de notre pays, il manque probablement encore quelques étapes mais la plus importante d’entre elles est et sera dorénavant toujours la légitimité démocratique.

Nous savons la réticence de nombreux maires et/ou, en tout cas, de leurs associations d’élus, à l’application de ce principe sur l’ensemble des intercommunalités françaises. Mais c’est justement parce qu’il faut faire évoluer la conception en partie fausse de l’affaiblissement municipal lors du renforcement intercommunal, qu’il serait bien de commencer par les métropoles. Car les métropoles se doivent d’innover ou, pour le moins, d’oser de nouvelles solutions.

Les métropoles échoueront si elles vont au conflit avec les maires des communes qui les composent mais elles seront ingouvernables si elles ne peuvent pas prendre appui sur des conseillers métropolitains dont la légitimité sera directement tirée de leur engagement métropolitain.

Autrement dit, les conseillers métropolitains sont actuellement seulement les conseillers des communes composant la métropole et ils continueront à être élus, lors des élections communales de 2020, sur des projets qui concerneront d’abord et avant tout la commune dont ils veulent devenir les élus. Or, nos Métropoles se doivent non seulement de réduire les inégalités entre les communes mais aussi d’élaborer et de mettre en œuvre des projets à impact aussi bien national qu’international, de porter le développement économique, social, culturel, environnemental ; ce qui exige de considérer la Métropole comme un tout.

Les élections des conseillers métropolitains en 2020 devraient être les premières à se dérouler au suffrage universel direct. Cette perspective était prévue dans la loi de modernisation  de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite loi MAPTAM, à l’article 54. Le gouvernement était invité à déposer un projet de loi avant la fin de l’année 2016 pour déterminer les modalités d’application de cette élection en 2020. Le législateur a ensuite eu l’occasion d’insérer ce dispositif dans la loi NOTRe portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République. Il ne l’a pas fait et n’a pas (encore) pris date pour légiférer ultérieurement. La perspective que ne soit pas reconnue la responsabilité démocratique des élus directement devant les citoyens est donc grande. En gardant le principe de fléchage des élus intercommunaux sur les listes municipales, il est fort à craindre de retrouver, en 2020, les accents de la campagne municipale de 2014 dramatiquement atone au regard de l’intercommunalité.

Nous avons confiance en votre capacité, Monsieur le Premier Ministre, pour réaffirmer le principe, tel qu’inscrit dans l’article 54 de la loi MAPTAM, d’élection au suffrage universel direct des élus métropolitains. Ce principe renvoie à une certaine conception démocratique de l’action territoriale et de la légitimité de celle-ci ; nous sommes persuadés qu’elle est la conception de votre gouvernement et qu’elle demeure votre objectif.

Monsieur le Premier Ministre, ne cédez pas à ceux et celles qui tentent de vous retenir de déposer un tel projet de loi visant à modifier le code électoral pour 2020 avant la fin de l’année 2016. En laissant les métropoles au milieu du gué, cette prometteuse réforme souffrirait de s’enliser.

Avec nos sentiments respectueux.
Romain Lajarge et Daniel Bloch