Rythmes scolaires : sur la bonne voie mais tout reste encore à faire.

Le rapport d’orientation sur les rythmes scolaires remis au Ministre de l’Education le 4 Juillet constitue incontestablement une avancée significative : journée scolaire moins lourde (5h) semaine plus équilibrée (4,5 jours d’école) année mieux répartie (38 semaines de classe au lieu de 36). Ce rapport ponctue 3 années d’égarement gouvernemental, qui sous l’impulsion paradoxale du Ministre Darcos, prônaient des mesures insensées, contraire à tout fondement pédagogique : (semaine de 4 jours, allongement de la journée scolaire pour les élèves en difficulté associée à la suppression des RASED…)


La communauté éducative pourra-t-elle enfin se projeter dans une autre étape et envisager un partenariat éducatif propice à remettre sur la bonne voie notre système éducatif ?

Car enfin, le constat est alarmant. Les évaluations internationales PISA pointent non seulement une augmentation des inégalités éducatives et des écarts qui se creusent sans cesse depuis 10 ans, mais aussi l’importance démesurée que joue le statut social des parents dans la réussite scolaire des enfants français. Et pourtant ce constat n’est pas une fatalité, d’autres pays européens ont réduit cet influence de moitié.

Cependant, si ce rapport va dans le bon sens, il laisse encore de côté plusieurs points qui nécessitent d’être approfondis.

1. Qu’en est-il des rythmes de l’école maternelle ? Si elle n’entre pas encore, dans le champ de l’école obligatoire, la journée d’un enfant de 3 à 6 ans doit bénéficier d’un statut particulier propice à son identité. Son exclusion de ce rapport risque d’encourager les décideurs à aligner son statut sur celui de l’école élémentaire ou d’entériner plus encore, le sentiment de son abandon progressif.

2. L’accompagnement éducatif de 2h par jour pour tous, viendra combler la diminution des heures de classe . Va-t-il se substituer à l’aide personnalisée et aux études ? Quel sera le rôle et le statut des enseignants pendant ce temps  » hors classe » ? La question de son financement par l’Etat est essentielle, car les villes ne pourront pas assurer à leur frais, ce temps éducatif. Cela dit, l’organisation d’une activité  » d’accompagnement à la scolarité  » après la classe, peut être l’occasion d’engager un partenariat positif avec les enseignants, les associations, les parents et la ville et mettre en orbite de futures « maisons de l’éducation » qui viendraient structurer les activités éducatives de l’école et du péri scolaire.

3. Le temps de pause méridienne devient de plus en plus, une période stratégique essentielle au bien vivre de l’enfant à l’école. Se conjuguent la nécessité de se nourrir de façon équilibrée après la suppression du goûter, l’éducation au goût, le besoin de détente et de décompression… Le rapport note à juste titre, le respect de cette pause qui ne doit comporter  » ni cours, ni aide, ni soutien  » à caractère scolaire. Mais l’exigence de qualité de la période de déjeuner, nécessite encore un gros travail d’encadrement pour les villes, autour de référents éducatifs formés et stabilisés.


4. Le partenariat éducatif devient un enjeu primordial. Les nouveaux rythmes vont induire une collaboration  » claire et partagée  » entre les acteurs éducatifs. Si le rapport pointe le lien entre l’éducation nationale et les collectivités locales, il laisse de côté la place des parents et des associations. Acteurs essentiels du pacte éducatif, leur rôle doit faire l’objet de conventions d’objectifs qui structurent ce futur partenariat.

5. Promu depuis plus de 20 ans par le Réseau Français des Villes Educatrices, le projet éducatif territorial peut être le cadre de cette éducation partagée.
Si l’école est une institution de la république indispensable à l’égalité des chances, elle ne peut pas tout faire. Elle a montré ses limites. L’éducation est devenue un enjeu qui dépasse largement le cadre de l’école. La responsabilité doit être maintenant assumée et partagée par l’ensemble des acteurs éducatifs et plus largement par les partenaires économiques et sociaux. C’est la notion de  » territoires apprenants  » développée récemment par les rencontres de Rennes. Le temps n’est plus à l’expérimentation de projets éducatifs locaux mais à leur reconnaissance par le loi.

Au delà des frilosités affichées par le Ministre Chatel à la suite de ces propositions, nous attendons que les avancées positives exposées dans ce rapport, soient traduites bientôt en actes. Nous aurons besoin ensuite, tel que le propose  » l’appel de Bobigny  » , soutenu, et c’est une grande nouveauté, par une grande majorité des organisations éducatives de notre pays, de partager un grand projet national pour l’enfance et la jeunesse. Un projet qui garantisse le droit à l’éducation pour tous dans le respect de la laïcité, un projet qui privilégie l’éducation partagée, un projet qui mobilise les énergies et les ressources éducatives d’un territoire, un projet qui fasse enfin l’objet d’une loi d’orientation. Ainsi l’éducation pourra être, l’un des thèmes prioritaires des prochaines élections présidentielles.

http://www.villeseducatrices.fr/index.php

Paul BRON
Adjoint chargé de l’éducation à la ville de Grenoble
Réseau Français des Villes Educatrices