Je ne peux qu’apprécier et soutenir une démarche qui ambitionne de construire avec (et non POUR) les habitants, connaissant la difficulté de la tâche et l’importance de l’énergie militante à mettre en œuvre pour faciliter une expression authentique des habitants.
Cependant je me permets de vous transmettre ces quelques remarques rapides qui je l’espère seront reçues comme l’ouverture d’un débat constructif, malgré l’évidente période électorale dans laquelle les animateurs de ces APU comme les élus, sont engagés explicitement.
1- Vous mettez en avant : l’apprentissage social.
Ce fut l’un des axes de l’expérimentation de la VN il y a maintenant plus de 30 ans. J’en ai fait partie. Il s’agissait à l’époque de promouvoir une pédagogie du projet, basée sur une démarche d’apprentissage, c’est-à-dire d’essai, d’erreur, de tâtonnement avec l’accompagnement bienveillant et éducatif de l’enseignant. L’aspect social reposait sur un investissement du projet impliquant les élèves dans tous les aspects de leur vie d’enfant et souvent à l’extérieur de l’école : quartier, groupe, famille, copains, monde des adultes …
Cependant vous centrez vos orientations éducatives exclusivement sur l’apprentissage social de l’enfant citoyen. Je crois que cela est insuffisant. L’enfant de la VN n’est pas moins citoyen qu’un enfant des autres quartiers de la ville. La même confusion est faite d’ailleurs avec une certaine politique concernant les adultes des quartiers populaires, à qui on demande d’être encore plus citoyen que les autres pour s’intégrer. Il est indispensable de se préoccuper aussi des apprentissages scolaires à partir d’une autre pédagogie de transmission des savoirs.
Si des avancées de l’expérience pédagogique des écoles de la VN doivent être reconnues et
réactualisées, le contexte sociologique du quartier a changé radicalement et les enjeux éducatifs et scolaires ne se posent plus de la même façon. Une autre pédagogie faite de parcours éducatifs culturels, citoyens, environnementaux, de maîtrise consciente de l’outil numérique, de nouveaux rapports aux savoirs, liant les apprentissages à l’intérieur et à l’extérieur du temps scolaire sont à inventer. L’histoire ne bégaie pas. Et les nouvelles générations sont imprégnées d’idéaux, de représentations, de besoins d’avenirs que nous devons entendre et comprendre pour ajuster notre accompagnement éducatif.
Les propositions mises en exergue à ce propos sur votre site restent assez floues.
2. Le projet de refondation de l’école et la réforme des rythmes scolaires sont en train de bouleverser les rapports professionnels autour de l’éducation et la place des acteurs, notamment des familles.
Pour la première fois un gouvernement ose affirmer que l’école ne peut pas réussir seule et qu’elle a besoin des autres partenaires que sont les parents, les associations, les personnels des villes (Atsem par ex). Il dit à sa façon, ce qui était un slogan de la Villeneuve « l’école est l’affaire de tous ». Et ce n’est plus de l’expérimentation, c’est un projet politique d’ensemble. Et bien prenons le au mot et agissons de concert, afin d’inverser la courbe de l’échec scolaire qui ne concerne pas que ce quartier.
La ville a engagé une concertation, des actions éducatives, des partenariats et un PEdT qu’il est nécessaire de faire fructifier à la VN.
Un gros investissement a été engagé dans les écoles vieillissantes du quartier. De la même façon, si la mobilisation des parents des Buttes est à louer, sachez que la ville n’a pas eu à « concéder une réhabilitation de l’école », car elle a toujours eu l’intention de préserver cette école des Buttes. Et ce n’est pas du tout la perte du statut expérimental des écoles qui a fait disparaître leur attractivité sur la ville, mais la paupérisation du quartier.
Bref un bilan qui reste à compléter et à réactualiser de façon plus juste et objective.
Il est évident bien sûr, que le projet urbain doit reconnaître l’éducation comme une priorité et que les habitants doivent en être des acteurs. Nous en sommes persuadés. Le projet ANRU 2 est assez clair à ce propos. Alors d’accord pour un diagnostic partagé et pour rendre les écoles plus attractives, mais allons au-delà des mots et des beaux principes, et sortons du social et du socio culturel classique.
C’est aussi avec l’éducation nationale qu’il faut reconstruire un projet ambitieux digne de faire échec aux inégalités scolaires grimpantes.
Le travail à faire collectivement est important. Partons sur de bonnes bases partagées, respectueuse des engagements de chacun.
Je reste à votre disposition si vous le souhaitez.
Paul Bron