GEG : SEM ou Régie municipale. Un débat récurrent à Grenoble.

 


GEG : SEM ou Régie municipale. Un débat récurrent à Grenoble.
Les débats en cours au sujet du devenir de GEG sont consécutifs à la décision de la commission d’appel d’offres municipale d’attribuer le marché de l’éclairage public à une société privée (Bouygues-Vinci) dont les propositions ont été jugées préférables, selon le principe du « mieux-disant financier», à celles de GEG qui assumait cette mission jusqu’alors.Rappelons que le lancement par la ville d’un appel à concurrence pour l’attribution de ce marché faisait suite à l’obligation formulée en 2010 par les juridictions administratives de séparer dans les activités de GEG la distribution de l’électricité à l’ensemble des habitants et entreprises de la ville (service public industriel et commercial, financé par les usagers) – de la gestion de l’éclairage des espaces publics (rues, places, squares, parcs et jardins, etc.), service public administratif à financer par les contribuables.Jusqu’alors GEG assurait les deux fonctions, sans appel à un financement spécifique par la commune pour la seconde, grâce aux bénéfices tirés de la première, dans le cadre d’une convention de concession globale (gaz, électricité, éclairage public) entre la ville et la société d’économie mixte GEG (SEM GEG).

Depuis janvier 2013 et la signature d’un nouveau contrat limité au gaz et à l’électricité, la SEM verse à la Ville une redevance de concession.
Pour sa part, dans le cadre d’un contrat de gestion transitoire (2013-2014) la Ville rembourse à GEG les travaux, la maintenance et les consommations électriques de l’éclairage public.
En outre, la SEM GEG, composée de l’actionnaire majoritaire Ville et d’un actionnaire minoritaire (GDF Suez) dégage des résultats bénéficiaires grâce à l’ensemble de ses activités, y compris de ses filiales commerciales, principalement affectés à l’autofinancement des investissements. Certaines années, une partie de ces résultats bénéficiaires est affectée aux actionnaires à due proportion de leur part au capital de l’entreprise.

1. SEM ou Régie : un débat récurrent à Grenoble

Au-delà de ce rappel schématique de l’obligation d’identifier pour lui-même le service de l’éclairage public et de le mettre directement à la charge de la ville (et donc de le faire financer par l’impôt payé par les contribuables), les questions posées sont de savoir :
– Que va devenir la société GEG dont l’activité éclairage public occupe environ 5 % de ses effectifs ;
– Est-il préférable que cette dernière relève d’une société privée où la ville n’est pas partie prenante comme elle l’est à GEG.
– Comment assurer à l’avenir la gestion du gaz et de l’électricité, dont la distribution sur le territoire grenoblois et la fourniture aux tarifs réglementés relèvent aujourd’hui d’une concession attribuée par la ville à GEG, tout en gardant une complémentarité avec les autres activités de GEG (production hydraulique, photovoltaïque ou éolienne, ventes d’énergie aux conditions de marché, prestations de service,…) ?

D’où le deuxième débat relancé dans le contexte actuel :
Celui du meilleur statut juridique et financier, des meilleures modalités de gestion, pour assumer des missions de service public.

En bref, et en simplifiant les choses :
– Faut-il en rester à la formule de la SAEM (Société anonyme d’économie mixte), statut de droit privé où la collectivité, actionnaire majoritaire s’associe à des partenaires privés pour fournir un service à des usagers ?
– Ou faut-il aller à la forme de la « Régie à personnalité morale et autonomie financière » où le conseil d’administration est constitué de représentants élus de la collectivité locale, ceux-ci assumant directement la direction du service, avec du personnel salarié, mais en faisant plus ou moins appel aux compétences du secteur privé dans le cadre de marchés publics (achats, travaux, entretien,…)?

Ce débat est récurrent dans le monde des collectivités locales et concerne tout le domaine des « services publics industriels et commerciaux » : eau, assainissement, gaz, électricité, chauffage urbain, ordures ménagères, transports publics ; mais aussi d’autres champs comme l’habitat et l’aménagement urbain.

Il l’a été et il l’est aussi à Grenoble, notamment au sein des municipalités conduites par Michel Destot de 1995 à 2014, entre les écologistes (Ades, Verts) les socialistes et apparentés et GO Citoyenneté.
D’une part pendant tout le premier mandat au sujet de l’eau où nous étions dans la même majorité ; d’autre part, de manière permanente sur l’électricité, avec un temps fort spécifique dans le troisième mandat (2008-2014) où nous n’étions plus ensemble, au moment du renouvellement de la concession avec GEG (fin 2012) ; et de même, enfin, sur la gestion du chauffage urbain où la discussion se situe forcément à l’échelle intercommunale et d’agglomération puisque la Compagnie de chauffage est une SEM à laquelle participent plusieurs communes et La Métro.

La position de GO :
Pour ce qui concerne Go, notre position dans le débat a toujours été guidée par quelques points de repères simples :
– assurer la maîtrise publique, par la collectivité locale, du service rendu à l’usager
– assurer le meilleur rapport qualité/prix pour ce service
– veiller à ce que les usagers aient leur mot à dire à travers le comité des usagers, sur les conditions dans lesquelles le service est rendu
– porter attention aux aspects sociaux par une prise en compte des difficultés de paiement des usagers
– veiller au bon usage de l’argent public, dans la gestion des services publics et dans les investissements qu’ils demandent, en tenant compte des capacités financières de la collectivité

Ces critères ne conduisent pas automatiquement ni nécessairement au choix de la forme « Régie », même si celle-ci offre plus de garantie immédiate sur la visibilité et la lisibilité des budgets et des comptes par les élus municipaux ou communautaires.

Ce qui doit être aussi pris en considération c’est la situation de la collectivité au moment du choix et les arbitrages financiers auxquels elle doit procéder à ce moment.

C’est ainsi que s’expliquent les positions que nous avons défendues et les responsabilités que nous avons prises sur la question de l’eau dans les années 1995-2001, et singulièrement de 1996 à 1999, qui nous ont opposés à ceux qui étaient alors nos collègues de l’Ades.

Cette question de l’eau est hautement symbolique à Grenoble, elle fait partie de la géographie et de l’histoire de la ville sous maints aspects. Elle a partie liée à la naissance et aux parcours des municipalités Dubedout. Elle est l’occasion du « pic de corruption » des années Carignon, lors du passage, en 1989, d’une gestion en régie (budget annexe de la Ville) à une gestion par affermage à la Lyonnaise des Eaux.

Nous avons affirmé en 1995-96 qu’il fallait rétablir la maîtrise publique, les meilleurs tarifs pour les usagers, l’instauration d’un comité des usagers, une politique d’investissement raisonnée préparant l’avenir, en faisant évoluer la filiale de la Lyonnaise des Eaux sous forme d’une SEM, dénommée « Société des Eaux de Grenoble », avec une participation majoritaire de la ville. Cela a permis à la ville de mener dans les années considérées une politique claire correspondant à ces objectifs sans obérer plus avant la situation financière très dégradée, léguée par les municipalités Carignon.
L’alternative était alors de décréter unilatéralement le retour en régie municipale du service public de l’eau potable, avec le risque de longues années de procédures et de conflits juridiques (avec la paralysie que cela pouvait entraîner sur les tarifs et les investissements) et la nécessité d’indemniser lourdement la société privée à un moment où la ville avait déjà près de 100 millions de francs à éponger issus du précédent mandat.

La SEG, sous la présidence de Bernadette Aubrée et avec la forte implication de Gérald Dulac administrateur, tous deux élus de GO, a pu développer une action positive (baisse des tarifs, plan d’investissements, comité des usagers, extension du réseau) dans les années 96-98, dans une démarche approuvée par le Conseil d’État.

Cependant à l’été 1998 le contrat négocié avec l’opérateur de la Lyonnaise des Eaux était annulé par le Tribunal Administratif de Grenoble (à la suite de recours de l’Ades). Cela obligeait à reconsidérer le dispositif mis en place et à trouver une autre solution, tout en gardant les objectifs de la ville.
C’est ainsi que nous sommes arrivés à la proposition d’une régie à personnalité morale et à autonomie financière, chargée de la production et de la distribution de l’eau.
Pour y parvenir il a fallu payer 86 millions de francs (16 320 000 euros équivalents 2013) d’indemnités au partenaire privé pour rupture de contrat. Cette solution permettait de reprendre l’ensemble des personnels de la SEG, soit fonctionnaires détachés de la ville de Grenoble, soit sous contrat de droit privé, et de mettre en place un conseil d’administration d’élus, de personnes qualifiées et de représentants des usagers ; et de reprendre en pleine propriété les infrastructures nécessaires à la production et à la distribution de l’eau.

Dans cet épisode, sommairement retracé ici, nous avons privilégié une approche qui permette de poursuivre les objectifs de service public en tenant compte de la situation concrète, des circonstances données et du contexte municipal d’ensemble.

2. Quelle est la meilleure solution pour la commune ?

C’est cette même disposition d’esprit qui nous paraît devoir guider le comportement des élus municipaux s’agissant de GEG et de son évolution.

Quelle est la meilleure solution pour la collectivité, pour les usagers, les contribuables et pour les personnels ?
Et parallèlement pour le marché de l’éclairage public dont la délibération d’attribution a été pour l’instant retirée par le maire de l’ordre du jour du conseil municipal ?(1)

Ne perdons pas de vue une vision d’agglomération que nous avions déjà en tête au sujet de l’eau à la fin des années 90, alors que se préparait la création d’une communauté d’agglomération pour les années 2000.

Aujourd’hui, c’est le passage au statut de Métropole qui se présente dès 2015.
La plupart des services publics à caractère industriel et commercial devront être gérés par la Métropole. Certains le sont déjà, collecte et traitement des déchets, assainissement, transports. Les choses se préparent pour l’eau avec la transformation des deux principales entités de l’agglomération, Régie des Eaux de Grenoble et Syndicat intercommunal des Eaux de la Région grenobloise, en sociétés publiques locales, appelées prochainement à fusionner.

Qu’en sera-t-il pour le gaz et l’électricité et pour le chauffage urbain ?

Jean Philippe MOTTE

(1) (correctif) Le Conseil municipal pourrait déclarer le marché CREM « sans suite » pour motif d’intérêt général, s’il ne veut pas entériner le choix de la CAO.

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