Réformes DARCOS : dérive libérale, non sens pédagogique … les communes à l’épreuve

 

Réformes DARCOS : dérive libérale, non sens pédagogique ... les communes à l'épreuve
Cette rentrée scolaire 2008-2009 est marquée par des réformes qui vont transformer profondément et durablement le paysage éducatif de notre pays et le partage des missions entre les acteurs.Les mesures prises par le ministre de l’Education Nationale : semaine de 4 jours, soutien scolaire et remise à niveau généralisés, service minimum d’accueil, suppression de postes… confirment l’accentuation d’une dérive libérale vers un nouveau marché national et local de l’éducation.
Prises dans la précipitation et sans concertation avec les enseignants ni avec les communes, elles mettent les collectivités locales à l’épreuve d’une adaptation dont elles doivent prendre toute la mesure
Ces réformes n’ont enfin, pour la plupart, aucun réel fondement pédagogique cohérent et respecteux du rythme des apprentissages de l’enfant.

 

Réformes DARCOS : dérive libérale, non sens pédagogique ... les communes à l'épreuve
Comment croire en effet que l’école sera plus juste, plus souple et plus efficiente :
La semaine de 4 jours satisfait les familles capables d’offrir à leurs enfants une alternative à l’école et conforte certains enseignants qui vont apprécier de travailler un jour de moins. Mais elle pénalise les parents les moins aisés et les moins disponibles. Elle fragilise les enfants les plus en difficulté qui bénéficieraient d’un étalement du travail sur la semaine. Elle cristallise sur 4 jours une attention soutenue, contre l’avis de tous les pédagogues qui critiquent le manque de respect du rythme de l’enfant.
Les stages de remise à niveau, l’aide personnalisée, ou l’accompagnement éducatif, selon les termes consacrés de ces mesures, proposent toutes aux enfants en difficultés volontaires un accompagnement éducatif par les enseignants. Cela devrait ralentir la course onéreuse aux marchands de soutien scolaire et clarifier la pente dangereuse et inefficace des activités multiples qui proposaient de « faire l’école après l’école ». Mais ce soutien stigmatise encore les éléves les plus en difficulté, leur inflige des heures supplémentaires en fin de journée ou pendant les vacances. Ne vaudrait-il pas mieux leur proposer des activités complémentaires aux apprentissages fondamentaux ?
Le droit d’accueil des enfants à l’école en cas de greve de 25% ou plus des enseignants qui a été promulgué par voie législative en pleine été, permettra certes aux parents de ne pas payer une nounou. Mais outre cette atteinte directe au droit de greve, et le véritable casse tete organisationnel lié à décharge de l’Etat sur les communes, la garderie des enfants pendant la greve va contribuer à décrédibiliser l’école et risque de l’assimiler un peu plus à un vaste jardin d’enfants.

 

Meme si l’on peut se féliciter de quelques points forts tels que l’intégration des éleves handicapés et la prise en charge du soutien scolaire, cette école « nouvelle génération » ne s’est donné les moyens que de tenter de réparer l’échec scolaire mais pas de le prévenir. Nous ne pouvons pas nous en satisfaire ni accepter le projet politique désincarné et inégalitaire qu’elle soustend, car on sait tres bien que les familles populaires en feront les frais.Il est nécessaire pourtant de prendre la mesure du rétrécissement du service public d’éducation engendré par cette politique. Nous assistons à la tendance lourde d’un désengagement de l’Etat et au partage contraint de l’acte éducatif entre l’Education Nationale et les collectivités territoriales. Le monopole, ne résiste plus à l’épreuve des faits. L’augmentation de l’échec scolaire et la perte de crédibilité d’un systeme éducatif qui ne garantit plus l’avenir, conjugué aux coups de boutoir de la politique libérale, ébranlent cette forteresse jadis imprenable. La nouvelle semaine d’école est à ce sujet un acte symbolique. Désormais l’Etat ne propose plus à ses enfants que 4 jours d’école sur 7. Que vont devenir ces temples de l’éducation le reste de la semaine.? Comment les communes vont-elles réinvestir ces lieux et ces temps libérés et proposer une alternative éducative cohérente, équitable et complémentaire au service public national ?
C’est la, je crois, l’un des enjeux fondamental de l’évolution des politiques éducatives des dix prochaines années.

Réformes DARCOS : dérive libérale, non sens pédagogique ... les communes à l'épreuve

 

Bien que depuis longtemps, les communes prennent largement leur part de la politique éducative locale, plusieurs pistes de réflexion se dégagent :
– La profusion de l’offre éducative apres l ‘école va mettre en concurrence plusieurs activités : études surveillées, aide personnalisée, projet éducatif local, soutien scolaire, accompagnement éducatif, garderie ….autant d’activités proposées par des acteurs divers (EN, ville, associations) payantes ou non, et conduites par des professionnels ou des bénévoles. Une offre débordante qu’il va falloir gérer, organiser, mutualiser pour la rendre cohérente et opérationnelle. Les villes ont un rôle majeur à jouer en partenariat avec l’inspection académique. A Grenoble comme dans la plupart des villes du Réseau Français des Villes Educatrices, une convention va fixer les regles de cette coopération.
– Le développement de l’offre éducative locale constitue une opportunité majeure pour que les mouvements d’éducation populaire se ressaisissent et reprennent leur rôle indispensable d’aiguillon créatif et de force de proposition.
– Les élus communaux auront à reconsidérer l’utilisation des locaux scolaires et organiser leur ouverture progressive à d’autres acteurs des secteurs socio culturel et éducatif. La ville ne peut plus maintenant construire une école sans penser à une utilisation plus large.
– La proximité des missions éducatives des équipements scolaires, socio culturels et des centres sociaux nécessitera une coordination territoriale des actions, notamment autour des actions passerelles que constituent la petite enfance, l’entrée au college et dans la vie active.
– Les villes auront à réflechir à la constitution de réseaux d’animateurs , municipalisés ou non, qualifiés pour intervenir pendant les temps péri scolaires, la pause méridienne ou apres 16h 30 mais aussi pour répondre aux besoins du service minimum d’accueil en cas de grève.

 

La mise en oeuvre d’un projet éducatif global peut constituer une belle ambition pour capitaliser, donner du sens et mettre en cohérence les actions éducatives de la ville ou de l’agglomération.
Enfin, faire de notre commune une ville éducatrice, ce sera lui reconnaître outre ses fonctions traditionnelles, une fonction éducatrice en assumant une responsabilité vis à vis de la formation, de la promotion et du développement de tous ses habitants en commençant par les enfants et les jeunes.


Paul BRON
Adjoint chargé de l’éducation à Grenoble