« Co-construisons » le projet de votation citoyenne

La majorité municipale a présenté lors du Conseil Municipal du 29 Février son projet de « votation citoyenne ». Notre groupe politique d’opposition de gauche valide cette démarche qui va dans le sens d’une amélioration de la capacité d’agir des habitants, même si des nombreuses incertitudes juridiques subsistent.
Nous proposons même de la « co construire  » avec la majorité, en déposant une « niche délibérative » (qui prendra la forme d’une future délibération) afin de créer une « commission chargée du suivi et de la mise en place des votations citoyennes ».

Nous reproduisons ci dessous l’intervention de Paul Bron au nom de GO Citoyenneté, ainsi que les 2 diapositives présentées en séance.

« Co-construisons » le projet de votation citoyenne

Franchement, je ne vois pas pourquoi nous ferions la fine bouche sur une proposition qui propose aux grenoblois de donner leur avis et qui peut permettre d’aller jusqu’à un référendum.

Bien sur il existe des difficultés juridiques sérieuses sur lesquelles je reviendrai aussi, et de gros problème d’organisation, mais la formule parait ouverte et accessible. A ce titre la recevabilité des pétitions en CM avec 2000 signatures est un challenge très intéressant.

D’ailleurs l’ensemble des programmes des candidats en 2014 proposaient des dispositions semblables : la droite voulait instaurer je cite : un « référendum d’initiative citoyenne » à partir de 8000 signatures, notre gauche voulait développer une « alerte citoyenne » avec une consultation publique locale dès lors qu’1/5 des électeurs le demandaient. Et la majorité actuelle misait sur 2 procédures distinctes qu’elle a adaptées et réunies dans cette mesure.

Je souhaite que vous puissiez trouver des pistes de résolution pour les questions délicates qui restent en suspend. Sans doute auriez vous pu prendre un peu plus le temps de réflexion et nous présenter un cadre plus abouti en Mars ou même en Avril.

A ce sujet la proposition de notre groupe de créer une « commission de suivi et de mise en place de la votation citoyenne» est un engagement d’ouverture, positif et participatif et j’espère que vous le prenez comme tel. D’ailleurs on peut considérer que cette proposition relève d’une participation à un processus de co construction. Ce qui devrait vous plaire.

Avant d’intervenir spécifiquement sur la votation citoyenne, je voudrais faire 2 remarques plus globales sur les processus de démocratie locale que vous proposez :

1. Le dilemme que nous nous posons tous en tant qu’élus, de droite ou de gauche d’ailleurs, c’est de répondre à la question : comment associer les citoyens aux décisions sans abdiquer nos responsabilités et dans un cadre légal ?.
En fait, que l’on parle de démocratie locale ou de démocratie participative, cela relève, dans les textes, de même chose. Malheureusement, la France est encore très frileuse en matière d’initiative citoyenne. Il ne peut pas légalement y avoir d’intervention extérieure au Conseil Municipal qui lui imposerait une décision. Il n’existe juridiquement que 2 types d’appel au peuple possibles : la consultation qui n’est qu’un avis populaire et le référendum qui est lui décisionnel.
Ce dernier doit relever d’une décision du conseil municipal (et même l’exécutif seul peut le proposer) et ne peut bien sur que porter sur des affaires relevant des compétences de la commune. Il ne s’adresse qu’aux seuls électeurs inscrits sur les listes électorales, et donc ne concerne pas les jeunes de 16 ans ni les étrangers, puisqu’en France, malheureusement encore, le droit de vote n’est pas accordé aux résidents étrangers. Le projet ne sera adopté que si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin, soit environ 43 000 électeurs à Grenoble.

Le cadre est donc très contraignant et assez fermé. Il est donc impossible que le conseil municipal s’engage à suivre le résultat d’une consultation des habitants. C’est la raison pour laquelle vous ne prenez pas le risque de proposer ici, une délibération qui sera retoquée par la Préfecture et vraisemblablement contestée devant les tribunaux. Il faudra trouver d’autres pistes et vraisemblablement décaler un peu le sujet tout en souhaitant que cela ne le dénature pas.

Et l’idée soulevée par certains, d’impliquer les CCI dans l’organisation de la votation citoyenne pour contourner l’aspect législatif, me parait hâtive et prématurée. Laissons les CCI s’installer et se saisir tout d’abord des questions de proximité.

S’il est nécessaire de faire bouger les lignes, cela ne se fera pas sans un accord politique local majorité et opposition, même si cela comporte des risques juridiques qui sont très réels. Et cela m’amène à ma 2eme remarque :

2. La démocratie locale a besoin de se renouveler et il faut bien inventer et tenter de nouvelles approches.
Reconnaissons que vous avez posé des actes significatifs, que l’on peut discuter bien sur, mais qui ont le mérite de repositionner la pratique et la capacité d’agir des habitants. Conseils citoyens indépendants, budgets participatifs et droit d’interpellation me semblent constituer de bonnes bases d’expérimentation.

Nous avions auparavant mis en place les conseils consultatifs de secteur ( CCS) et un budget participatif sur le secteur 1, mais vous allez bien plus loin il faut le reconnaitre et personnellement je souhaite le succès de ces initiatives.

Concernant les CCI, de leur propre aveu à la MC2, ils peinent à trouver leur cadre et sont noyés par des soucis d’organisation. Organisés autour de 10 à 15 habitants au lieu de 40, ils n’ont pas réussi à impliquer les habitants tirés au sort, qui ne sont pas volontaires. Pour l’instant, la logique d’appel aux habitants tirés au sort ne fonctionne pas. Il faudra revoir le processus en ouvrant sans doute davantage. Je persiste à croire que l’exclusion de la société civile organisée, c’est à dire les associations d’habitants, les Unions de Quartier est une erreur. Les tables de quartier de la politique de la ville, mis en place par l’État, sont d’ailleurs bien plus pertinentes de ce point de vue. Mais, ce n’est que la première année d’existence des CCI, laissons leur encore du temps pour faire leurs preuves.

Les budgets participatifs, ont apporté réellement un souffle nouveau, même s’ils doivent encore trouver un ancrage populaire.

Venons-en à l’interpellation citoyenne. Cette mesure est intéressante à plusieurs titres, elle appelle encore de nombreuses questions :
Je n’insisterais pas sur les questions d’ordre organisationnel et financier qui restent quand même importants mais pas insolubles.

– Le seuil de 2000 signatures est hardi. Pour référence la majorité précédente avait fixé le principe de saisine du Conseil Municipal à 8000 signatures et La Métropole a décidé du même principe avec 6000 signatures. Il est vrai que ce seuil rend accessible le CM au plus grand nombre.

–  Les pétitions munies de 2000 signatures seront donc défendues en Conseil Municipal puis approuvées ou non. Mais par qui ? par votre groupe puisque vous disposez d’une large majorité. On peut légitimement s’interroger alors sur la place donnée ici à l’opposition ?
– La difficulté réside dans le passage entre les 2000 signatures et les 20 000 nécessaires pour la votation. La question de « mener campagne » nécessite une logistique, des compétences et des moyens qu’il faudra mettre en place pour que cette votation ne soit pas seulement l’affaire des groupes organisés ou des partis politiques ?
– D’autre part, les pétitions entraineront un débat local nécessaire mais on peut aussi redouter que des groupes d’intérêt, popularisent des débats douteux contraires à l’égalité et à la fraternité.
– Le contrôle des votes au référendum restera un casse tête. En effet ni les jeunes de 16 à 18 ans ni les résidents étrangers ne sont inscrits sur les listes électorales. La constitution d’un tel fichier devra donc être soumise au contrôle et à l’autorisation de la CNIL et il n’est pas sur du tout qu’il soit validé.
– Comment allez-vous intégrer les pétitions déjà existantes ?

Votre projet de votation citoyenne est donc hardi, séduisant même s’il reste aventureux quant à sa faisabilité technique et juridique. Notre groupe a décidé de collaborer à votre proposition et nous avons posé un premier acte qui, je l’espère, sera pris à sa juste mesure. »

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