Grenoble, un futur règlement des piscines précipité, mal ciblé et inapproprié.

Lettre ouverte à M. le Maire de Grenoble Eric Piolle et à la majorité municipale

Futur règlement des piscines :

temporalité, forme, fond : rien ne va sur cette délibération

 

Monsieur le Maire, vous avez décidé de proposer une modification du règlement intérieur des piscines lors du prochain Conseil Municipal le 16 Mai 2022.

Nous tenons à réagir,
car nous pensons que cette délibération pose des problèmes de fond, de forme, mais aussi de temporalité.

Sur la temporalité : à l’heure où la précarité se renforce pour nombre d’habitant·es notamment des quartiers populaires, du fait de l’augmentation du prix de l’énergie et plus généralement du coût de la vie, le débat que vous provoquez est-il vraiment urgent et nécessaire ? Vous avez décidé de monopoliser le débat autour de ces questions, au risque d’oublier la problématique sociale forte qui se joue devant nous et de fracturer la population ainsi que votre majorité. Le message envoyé par les électeurs durant cette présidentielle est-il déjà oublié ? Vous pourriez, comme vous l’avez fait, avec d’autres mairies, pendant le covid et pour tenter de répondre à l’urgence sociale, remettre en œuvre les aides à la cantine pour les familles en difficulté. Vous pourriez aussi diminuer les coûts du périscolaire pour ces familles et mener une réflexion de fond sur son accès en fonction des revenus et selon les secteurs. Vous pourriez  lancer un vrai chantier de soutien à la lutte contre la précarité énergétique… mais nous ne voyons malheureusement aucune action en ce sens.

Sur la forme : sauf erreur de notre part, la délibération, que vous présentez comme importante, ne figure pas dans le programme de Grenoble en commun, ni d’ailleurs dans celui de l’Union Populaire. Il est venue dans le débat public sous la pression unique d’une association l’Alliance Citoyenne. Par cette délibération, vous donnez satisfaction à cette association, sans avoir réellement initié un débat démocratique avec l’ensemble des acteurs engagés au quotidien, notamment de l’éducation populaire. Pourquoi ne pas avoir envisagé, par exemple, des
ateliers citoyens sur cette question et une réflexion avec les acteurs socio-éducatifs ?

Sur le fond : en initiant ce « débat », vous n’avez pas réellement pris la mesure de ce qui est en jeu, et qui nécessite de prendre le temps de l’échange et de la réflexion complexe. En effet, cette délibération amène des oppositions de part et d’autre, notamment parce qu’elle met en jeu des confrontations idéologiques fortes, comme par exemple la question du burkini. Si certaines femmes assument le porter par choix, est-ce le cas pour les autres ? En toile de fond, ce débat ne sous-tend-il pas une instrumentalisation des religions et la problématique du patriarcat et la domination des hommes sur les femmes. Vous le constatez donc, c’est une question bien plus complexe, qui nécessite un travail de fond, éducatif et politique, ne peut pas se résumer en une simple et inappropriée délibération sur le règlement des piscines.
Un des argumentaires que vous déployez également est la liberté des femmes dans leur choix de
s’habiller comme elles le souhaitent. Or, la problématique nous semble  beaucoup plus large et devrait être celle de l’égalité femmes / hommes, dans son ensemble. Cet enjeu est noble, il ne peut être réduit à une tenue vestimentaire dans une piscine ; d’autres aussi sont essentiels, par exemple, la précarité des emplois occupés par des femmes, y compris au sein de la Mairie, ou l’accès à un logement pour les femmes isolées ….

Enfin, comme l’explique très clairement Razika Adnani [1], vous allez, de fait, induire des inégalités entre femmes, sans pour autant régler celles avec les hommes ; il s’agirait donc de développer des actions de sensibilisation a minima auprès de ces familles, mais aucune démarche de ce type n’est proposée dans votre projet de délibération. Quel message envoyez-vous aux personnes et notamment aux femmes qui se battent contre les formes de soumissions et qui voient dans le burkini un outil de la domination masculine ?
Nous concluons que  cette délibération est trop précipitée. Elle n’est pas en phase avec les urgences du moment et va plutôt fracturer la cité qu’apporter de l’émancipation. Nous en appelons à votre jugement et celle de vos conseillers, afin d’annuler ou ne pas voter cette délibération et mettre en place une réflexion plus large sur l’égalité femmes / hommes.

GO Citoyenneté

[1] http://www.razika-adnani.com/lettre-ouverte-a-monsieur-eric-piolle-maire-de-grenoble-monsieur-eric-piolle-le-voile-ne-peut-pas-etreune-liberte-pour-les-femmes/