Concertation sur « la refondation de l’école » : principaux points du rapport

Rapport rendu vendredi 5 octobre 2012 au ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon.

 

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Voici le rapport tant attendu de la concertation sur « la refondation de l’école de la République » qui, deux mois durant, a mobilisé 800 acteurs de la communauté éducative et d’ailleurs. De l’audace, pas « un filet d’eau tiède », avait recommandé le ministère aux quatre rapporteurs.
À l’arrivée, un rapport de 50 pages rendu vendredi au ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, qui annoncera à partir de jeudi 11 Octobre ses choix.
Construit en trois parties, seule la dernière regroupe les préconisations pour la future école. Le rapport part d’un constat : il rappelle les améliorations en termes de massification, mais souligne les limites et notamment les inégalités, l’absence de démocratisation, les résultats médiocres en terme d’insertion professionnelle pour une partie importante d’élèves, sortis sans qualification du système scolaire.
Il insiste sur les discriminations (réussite des filles, difficultés des populations issues de l’immigration, inégalités sur l’ensemble du territoire, et discrimination positive (politique d’éducation prioritaire peu opérante).En voici les principaux points :


Changement des rythmes scolaires

Semaine de 4 jours et demi (au lieu de 4 aujourd’hui), avec une demi-journée supplémentaire le mercredi, et possibilité de dérogation pour le samedi.
Le nombre de cours par jour ne devrait pas excéder 5h, avec une pause le midi de une heure trente minimum. Au collège, le nombre d’heures de cours par jour devrait être limité à 5h en 6e et en 5e, puis 6h en 4ème et 3ème.
Jusqu’à la classe de 5e, les enfants devront néanmoins être accueillis jusqu’à 16h ou 17h . Au-delà la journée devrait comprendre une aide au travail personnel et des activités culturelles et sportives
Réflexion non aboutie sur la réduction des vacances .Il « peut être envisagé » d’allonger d’une à deux semaines la durée de l’année scolaire, de supprimer le zonage ou au contraire de l’étendre.
Au collège et au lycée, il faudrait « reconquérir le mois de juin », en réformant le passage des examens, et en retardant les conseils de classe à la fin du mois.

Priorité au primaire

Redonner du sens à la maternelle en confortant son « identité », et en développant la scolarisation à partir de deux ans. Plus de maîtres que de classes en CP-CE1, pour permettre aux équipes pédagogiques de travailler autrement et mieux .
Et intégration de l’aide personnalisée et de l’accompagnement du travail personnel dans le temps scolaire, afin que les devoirs du soir à la maison puissent être supprimés. Langue vivante dès le CP.
Repenser les programmes de l’école élémentaire, jugés trop lourds

Gouvernance – autonomie

Instauration d‘un statut de directeur d’école ; autonomie comme principe ; évaluation généralisée du système ; extension des contrats d’objectifs aux collectivités territoriales (contrats tripartites : rectorat – établissement – collectivité territoriale ).

Place des collectivités locales

Inscrire dans la loi les PEL projets éducatifs locaux (notre PEG) . Accompagner financièrement les collectivités par un fonds de compensation destiné à assurer l’égalité territoriale. Importance du périscolaire (sujet pas développé …)

Collège

Assurer une plus grande continuité avec le primaire, en fluidifiant la transition école-collège, et en passant progressivement du maitre unique aux professeurs spécialisés.
Revoir l’emploi du temps et le saucissonnage des cours par heures, en réservant par exemple des plages horaires plus longues pour certaines activités, ou l’élaboration de « projets ». Le système d’évaluation pourrait être modifié : plutôt qu’une « notation-sanction », prévoir une « évaluation positive simple et lisible, valorisant les progrès ». Le redoublement, jugé « coûteux et inefficace », pourrait être progressivement supprimé.

Lycées

Pas de remise en cause de la réforme en cours des voies générales et technologiques, même s’il convient d’envisager des parcours plus « flexibles » et de valoriser l’enseignement professionnel, en mettant en place des « parcours de réussite différenciés et personnalisés », depuis le CAP jusqu’au bac plus 2.
Les horaires de cours pourraient être également allégés et les liens avec l’enseignement supérieur renforcés, par la pédagogie notamment (mise en place de projets interdisciplinaires ou plus autonomes)
La carte des formations passe aux Régions.

Formation civique

Au cœur des missions de l’école laïque, réaffirme le rapport. L’apprentissage du « vivre ensemble » au sein des établissements scolaires devrait être renforcée, en multipliant des dispositifs, comme le travail en groupe ou le tutorat entre élèves.
Les instances représentatives des élèves dans les établissements devraient être revalorisées. L’école devrait être aussi plus « juste » et plus « bienveillante »:
Le rapport préconise ainsi qu’on mette en place des « pédagogies plus individualisées », mais qu’on revoie aussi le système d’évaluation actuel qui contribue trop souvent à la perte de confiance en soi des élèves.

Numérique

Alors que la pédagogie se limite encore trop souvent au cours magistral, la volonté de faire entrer des « pratiques innovantes » dans les classes a été maintes fois exprimée. Les pédagogies innovantes devront donc être développées, notamment en primaire, et renforcées par l’usage du numérique, qui n’en est pour l’instant, qu’à ses balbutiements.
Le rapport consacre d’ailleurs une grande partie aux nouvelles technologies, qu’il considère comme une « priorité pour la réussite ». Il demande que soit inscrit dans la loi « l’éducation aux medias et à l’information », au même rang que les apprentissages fondamentaux, et qu’on mette en place un plan « numérique au primaire ».

Lutte contre le décrochage

Mettre en place un « référent » dans les collèges et les lycées professionnels à fort taux de décrochage.
Responsabiliser l’ensemble de l’équipe éducative dans la lutte contre l’absentéisme, faire passer de 16 à 18 ans l’âge de l’obligation scolaire et garantir un « droit au retour » pour ceux qui ont interrompu leurs études sans diplôme.
Créer d’autres dispositifs type classes relais, EC2, micro-lycée…

Santé handicap :

L’accueil des enfants en situation de handicap devra être amélioré, et leur accompagnement renforcé. Le rapport préconise également un meilleur suivi médical des élèves, un allègement du poids des cartables, et une aide financière apportée aux familles en grande précarité pour que l’accès de leurs enfants à la cantine scolaire soit garanti.

Formation des personnels

Nécessité de mieux former les enseignants. Leur niveau de recrutement au niveau master est accepté, ainsi qu’un système de pré recrutement au niveau licence.
L’ensemble des personnels pourraient être formés au sein de mêmes structures : les Ecoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE).
Le rapport insiste aussi sur la nécessité de reconnaitre la dimension « collective » du métier, en rompant avec la rigidité des emplois du temps hebdomadaires et en renforçant le travail pluridisciplinaire en équipe. Il préconise de mettre en place au sein de l’éducation nationale une véritable politique de ressources humaines pour permettre notamment aux enseignants de diversifier leur carrière et de changer éventuellement de voie.

Parents

Leur donner une plus grande place dans l’école, les faire participer davantage, améliorer leur accueil dans l’établissement, (pré rentrée parents) notamment ceux qui sont les plus éloignés de l’institution, ( cafés parents, interprètes ) créer un statut de parent délégué, introduire dans la formation des enseignants un module « travailler avec les parents » Les parents pourraient être davantage associés aux choix d’orientation. On pourrait même «expérimenter » la possibilité de leur laisser le « dernier mot » dans ce domaine en fin de seconde, voire en fin de troisième, et sur le redoublement à tous les niveaux de scolarité.

Education prioritaire, ZEP et carte scolaire

Rompre avec la logique de zones qui prévaut depuis 30 ans dans l’éducation prioritaire.
Les financements accordés à l’ensemble des établissements en fonction de la composition sociale et scolaire de leurs effectifs.
C’est une partie du rapport qui risque de passer sans doute largement inaperçue. Et pourtant, les conclusions de la concertation sur l’école au sujet de l’éducation prioritaire marquent une véritable rupture.
Créée au début des années 1980 sous l’impulsion du ministre socialiste Alain Savary, l’éducation prioritaire a pour objectif de donner plus à ceux qui ont le moins. Trente ans après, cependant, les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances. Malgré des classes un peu moins chargées, malgré des dotations pour mener une foule de projets, les élèves de « Zep » réussissent en général moins bien que leurs camarades scolarisés dans des écoles, collèges et lycées « ordinaires ». De même, leurs établissements sont plus souvent la proie de violences.
Les auteurs du rapport souhaitent, corriger l’un des défauts majeurs du dispositif, sa logique de zonage. A ce jour, pour obtenir un surcroît de moyens, les établissements doivent bénéficier d’un label : « zone d’éducation prioritaire », « réseau ambition réussite », « Eclair », etc. Mais cette labellisation a un effet très négatif sur leur réputation. Beaucoup de familles, notamment parmi celles qui sont les moins défavorisées socialement, cherchent alors à inscrire leurs enfants ailleurs…
La solution audacieuse issue de cette concertation consiste à supprimer les différentes zones et à financer l’ensemble des écoles, collèges et lycées en tenant compte de la composition sociale et du niveau scolaire de leurs effectifs.
Les auteurs du rapport semblent en revanche moins inspirés pour traiter l’autre grande lacune de l’éducation prioritaire, son incapacité à attirer les enseignants expérimentés et à assurer une stabilité de leurs équipes. Sur ce point, ils se contentent de préconiser « l’instauration à titre expérimental de décharges horaires permettant notamment aux professeurs d’élargir et d’enrichir leurs missions ». Il s’agirait par exemple d’effectuer des tâches « transversales », comme celle de « coordinateur de niveau » (un pour les classes de 6e, un pour celles de 5e, etc.).
Reste l’épineuse question de la carte scolaire, que la précédente majorité avait choisi d’assouplir. Une décision très symbolique qui s’était traduite par une ségrégation renforcée pour les établissements les plus défavorisés. Les auteurs du rapport, eux, ne préconisent pas de durcir à nouveau les conditions d’octroi des dérogations mais suggèrent un élargissement des secteurs pour permettre notamment aux collèges et lycées de bénéficier, « d’un recrutement socialement et scolairement plus diversifié ».

Conclusion

Si le rapport final comporte de nombreuses propositions, elles ne constituent pas pour autant la feuille de route du ministère. Il y a encore loin de ces préconisations à ce que sera le projet législatif de Vincent Peillon. On y verra sans doute plus clair mardi 9 octobre à la Sorbonne. Le chef de l’État y prononcera un discours .
Ensuite s’ouvrira une période de négociation avec chacun des partenaires éducatifs.
Les représentants des Maires seront collectivement reçus par le Ministre fin Octobre.

http://www.refondonslecole.gouv.fr/la-demarche/rapport-de-la-concertation/

Compte Rendu
Paul BRON