Départementales-opinion : pour une délocalisation du Collège Villeneuve à Grenoble

Dans le cadre de la préparation des élections départementales (Mars 2015) et suite à plusieurs échanges sur le Collège Lucie Aubrac de la Villeneuve, il me parait nécessaire de requestionner l’avenir de ce collège. Le Conseil Général, par la voix de son ancien Président s’est toujours élevé contre une délocalisation. Le Rectorat ne semble pas bloqué sur cette idée. Par contre la Mairie de Grenoble s’inscrit actuellement malheureusement, dans les pas du CG.

C’est à mon avis une erreur.

Depuis plusieurs années, la situation du collège Villeneuve (qui date de 1972) et surtout celle des collégiens qui y font leur scolarité est préoccupante : stratégie de fuite de la part des parents (330 inscrits environ pour une capacité de 700), résultats au brevet très en deçà de la moyenne nationale, peu ou pas de mixité…

En 2006, ce collège est le seul du département à avoir été inscrit dans le « réseau ambition réussite » de l’Éducation Nationale, avec pour objectif de définir « un projet porteur et d’excellence » lui permettant de s’ouvrir sur l’extérieur et de relever le niveau. 4 ans après cet objectif ambitieux restait lointain. …

En 2010, nous constations que ce collège ne trouvait pas un second souffle malgré l’engagement fort de l’équipe des enseignants et du principal. A l’initiative de Gisèle Pérez (élue CG) et avec la précédente majorité municipale,  nous avons œuvré pour convaincre le Département d’un changement de posture. Il nous semblait que nous avions fait le tour des expérimentations pédagogiques et nous voulions rompre avec un collège ghetto refermé sur lui-même.  Il fallait l’ouvrir sur la ville et tenter de favoriser la mixité. Nous projetions, soit une forme de  « busing », soit une délocalisation sur le quartier Flaubert ou sur l’IUFM. André Vallini Président du CG et certains militants du quartier Villeneuve s’opposaient, à l’époque, farouchement à ce changement.

Face à cette situation, nous avons profité de la mise en place par l’État d’un nouveau projet « Éclair » (2011-2014) pour collaborer à de nouvelles orientations. Le Maire de Grenoble Michel Destot, soutenu par l’inspection académique, a proposé un projet scientifique, appelé Projet-Charpak, qui engagerait une démarche autour de la culture scientifique et technologique. Une « option sciences » a également été créée pour les élèves de 6e du collège. Cette démarche avait l’ambition de concerner les écoles et le collège, mais aussi toute la continuité éducative du système scolaire en incluant le lycée Mounier et l’Université. La « main à la pâte » portée par l’Académie des Sciences s’est installée au collège….

Voir le site du collège :  http://www.ac-grenoble.fr/college/aubrac.grenoble/category/liaison-primaire-college/

Nous avons apprécié depuis, les progrès tant sur le plan de la pédagogie que de la discipline, grâce à la mise en place de cadres spécifiques et novateurs : renforcement du nombre d’adultes dans l’établissement, soutien personnalisé, enseignements en petits groupes, venue d’élèves de CM2 pour suivre des cours d’informatique et se familiariser avec leur futur environnement, développement d’activités extrascolaires et de clubs scientifiques… Cela a permis au collège de faire progresser son taux de réussite au Brevet (53,03% et 20,59% avec mention) ainsi que ses effectifs (de 250 élèves pour 12 sections en 2010 à 330 élèves pour 16 sections en 2014).

Une étude interne du CG notait  en 2011 : « Le collège est aujourd’hui à nouveau un lieu structurant pour La Villeneuve en tant qu’équipement public. Le supprimer de manière abrupte pourrait renforcer un sentiment d’abandon et de désengagement des pouvoirs publics du quartier déjà présent parmi certains habitants. ../… Pourtant, tel qu’il est situé, le collège ne présente aucune mixité (sociale ou ethnique) et ne joue en aucun cas son rôle d’ascenseur social. L’image d’une soucoupe qui ne peut pas décoller revient sous diverses formes dans de nombreuses perceptions. Notre rapport met en exergue le poids des déterminismes et la difficulté d’inverser les mécanismes d’évitements en œuvre. »

Cependant, au moment où il est question de renouveler le Conseil Départemental,  je repose la question de l’avenir de ce collège aux futurs candidats aux élections.

Cette même étude du CG suggérait deux pistes :

– La première : celle d’une amélioration de l’offre existante. Viser l’amélioration de l’attractivité du collège Aubrac en limitant le contournement. Mais celle ci est largement dépendante de l’image véhiculée par le quartier. Elle passe par la lutte contre le « ghetto » et la distanciation à l’institution qu’il engendre. Cette posture est celle qui est privilégiée actuellement par le CG.

– La seconde : celle de la création d’une nouvelle offre basée sur une fusion avec le nouveau collège des Saules. La concentration de 3 collèges publics (Village Olympique, Les Saules, Lucie Aubrac) sur un périmètre restreint, nuit à la lisibilité de l’offre scolaire publique et profite in fine au privé via l’externat Notre Dame.

Mais ces 2 hypothèses correspondaient à l’époque, à une commande d’économie, à un moment où le CG constatait un nombre important de places vides, dans les collèges de l’agglomération.

Je crois qu’il existe malgré tout, une autre hypothèse : la construction d’un nouveau collège sur le futur quartier Flaubert en gestation (ou à l’IUFM propriété du CG) ouvert à une pédagogie nouvelle.  Relancer un projet pédagogique partagé, réfléchir à une formule de semi-internat, à une pédagogie différenciée, à des mini collèges, aux partenariats avec l’école primaire et le lycée, aux collaborations avec les parents et les associations…  Cela permettrait la rencontre des jeunes de quartiers, d’origines sociales et culturelles différents.

Il s’agira de réutiliser les locaux du collège pour accueillir un projet générant du lien social et ouvert sur l’extérieur. Les projets ne manquent pas et pourraient s’inscrire dans la dynamique de la Métropole. Cette ouverture briserait, d’une certaine façon, le repli sur soi de la VN et la stigmatisation grenobloise des quartiers sud.

Je privilégie l’option de la mixité, comme un  élément majeur de réussite et plaide une nouvelle fois pour le déménagement du collège en dehors du quartier.  Mais l’amélioration de la situation et la construction d’un projet alternatif ne se passera pas d’une concertation citoyenne et doit s’appuyer sur la capacité des acteurs à déboucher sur un constat partagé. C’est pourquoi je suggère aux futurs candidats (ou à la ville) d’organiser une réunion spécifique sur ce sujet avec les élus, les parents et associations. L’État ne participera pas à ce genre de réunion en période électorale.

Cela n’empêchera pas, plus globalement, qu’il devient urgent,  au delà de la question de ce collège, de poser les contours d’une carte scolaire qui mixte les publics et corrige le déterminisme des catégories sociales.

Paul Bron : Élu de GO Citoyenneté. Ex adjoint à la ville chargé de l’éducation

 

PS : Pour finir, je ne partage pas l’idée d’un transfert de la responsabilité des collèges au Conseil Régional, mais au contraire un transfert des collèges de l’agglomération, à la Métropole,  afin d’affirmer la continuité pédagogique de l’école obligatoire et de les inscrire dans la proximité.

 

 

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